Page:Metzger - Jean-Jacques Rousseau à l’île Saint-Pierre, 1877.djvu/16

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surtout qu’il est petit quand, au début de ses Confessions, il se glorifie de l’acte qu’il va faire et qu’il annonce comme unique en son genre. Un autre pourtant l’avait commis, bien avant lui : c’était aussi un débauché dans sa jeunesse, c’était aussi un philosophe et un penseur illustre, mais, avant tout c’était un homme. Quand Saint-Augustin fut arrivé, par les larmes de sa mère, à la connaissance du Dieu-Un, il ne rompit pas encore avec sa vie scandaleuse, mais il vint le jour où l’énergique romain voulut mettre sa conduite en accord avec ses aspirations nouvelles, et, de ce jour, il ne faillit plus. Et quand plus tard, sur son siège épiscopal, il voulut rendre compte de son passé à ses fidèles et au monde entier, il écrivit lui aussi ses Confessions, mais il les écrivit, comme un chrétien sait écrire, dans un langage plein de fermeté et de pudeur, en faisant abstraction de ses propres vertus, et en ne reportant le mérite de sa régénération morale qu’à Celui qui est la perfection même, qu’à Dieu. Pour moi, je ne connais pas de lecture plus profitable que celle des confessions du philosophe de Genève, comparées à celles de l’évêque d’Hippone, comme je ne connais qu’une expression à ce parallèle : l’admiration pour Saint-Augustin et le blâme énergique pour Rousseau. Mais qu’il nous soit permis de jeter un voile sur cette défaillance d’un grand esprit, et d’accorder encore toute notre sympathie, dans cette étude, à ce vieillard, si grand par la pensée et si respectable par ses malheurs.

La dernière page heureuse des confessions nous montre Rousseau à l’île Saint-Pierre. Il n’y aspire qu’à la paix, et il a un si vif désir d’y être toléré qu’il se