bulant. Bien des sociétés y ont célébré le lien qui les unit ; bien des touristes y ont gravé leur chiffre ; et il m’a été donné, à moi, humble voyageur, de rencontrer là, à trente lieues de la patrie, des noms qui m’étaient familiers dans cette belle et malheureuse Alsace, dont je suis fier d’être l’un des enfants.
Quand on a visité, dans ses moindres détails, la chambre de Rousseau, et que, debout dans le verger, on contemple la partie ancienne de l’auberge, qui se termine à droite par une tourelle, l’âme déborde de pitié et de mélancolie. Oui, de pitié, car on plaint cet homme d’avoir coulé une si triste destinée ; oui, de mélancolie, car on sent, d’une façon poignante, le néant de l’être humain et de la gloire qu’il engendre. On voudrait se faire illusion ; on se figure voir Jean-Jacques se montrant aux fenêtres entr’ouvertes, on croit entendre ses pas résonner dans la chambre ; on voudrait se faire accroire qu’il a terminé ses jours dans cette paisible retraite, et que ses cendres reposent dans quelque vallon, qu’il aurait choisi lui-même ! Mais on ne peut se dérober au sentiment de la réalité, Rousseau n’est plus là ; chassé par un ordre de Berne, il essaya en vain de détourner le coup qui le frappait, puis, à l’entrée de l’hiver, quitta cette île Saint-Pierre, qu’il ne devait plus revoir. Nous n’avons pas à le suivre, dans les séjours qu’il fit successivement à Bienne, à Wooton chez Hume, au château de Trye, près de Gisors, à Lyon, à Grenoble, à Paris, et enfin à Ermenonville, où il mourut le 7 juillet 1778 ; mais nous pouvons penser que, bien souvent Jean-Jacques, aux heures de découragement, comme aux heures de bonheur, reporta sa pensée, pleine de