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CHEZ LAVOISIER

d’illogisme et de contradiction. Rien de plus, rien de moins ; il n’a jamais pensé l’avoir découverte ; elle devint entre ses mains une arme de combat qui mène à la victoire en même temps qu’un instrument de vérification. La pesée qui ne fut jamais incluse formellement dans la suite des opérations chimiques, reste, après comme avant Lavoisier, en dehors des recherches de laboratoire qui aboutissent à l’analyse, à la synthèse ou à tout autre transformation de la matière. Les pesées de contrôle (faites avant et après la réaction) qui furent autrefois accidentellement utilisées pour montrer qu’au cours de l’expérience aucune parcelle de substance n’avait été ajoutée ou n’avait pu échapper devinrent sous l’influence du génie de Lavoisier qui apprit à les faire avec le plus grand soin, un critère indispensable de vérification et de vérité. Lavoisier, qui la comme ailleurs n’a rien découvert, métaphysiquement parlant, a transformé l’orientation de la pensée des chimistes en réalisant par son œuvre un progrès immense de ce qu’on pourrait appeler la conscience expérimentale ; nous n’avons pas à rechercher quels sont les liens lâches ou étroits qui unissent ce progrès de la conscience expérimentale avec les progrès de la conscience théorique qui furent dans ce cas concomitants, mais que certains penseurs déclarent logiquement indépendants et croient pouvoir étudier séparément.

Notre manière de voir que certains trouveront paradoxale fut pourtant celle d’un grand nombre de contemporains ; pour mettre le fait hors de doute reproduisons un extrait des registres de la Société de Médecine du 6 février 1789 où Fourcroy et de Horne s’exprimèrent ainsi sur le traité élémentaire de chimie… « À peine M. Black fit-il connaître l’être fugace qui adoucit la chaux, à peine M. Priestley eût-il donné ses premières expériences sur l’air fixe et ce qu’il appelait les différentes espèces d’air, que M. Lavoisier, qui ne s’était encore appliqué qu’à mettre dans les opérations de chimie de l’exactitude et de la précision conçut le vaste projet de répéter et de varier toutes les expériences des deux célèbres physiciens anglais et de poursuivre avec une ardeur infatigable une carrière nouvelle dont il prévoyait dès lors toute l’étendue. Il sentit surtout que l’art de faire des expériences vraiment utiles, et de contribuer aux progrès de la science de l’analyse, consistait à ne rien laisser échapper, à tout recueillir et à tout peser. Cette idée ingénieuse, à laquelle sont dues toutes les découvertes modernes, l’engagea à imaginer pour les effervescences, pour les combustions, pour la