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LES DOCTRINES CHIMIQUES EN FRANCE

Lémery qui révélait une science nouvelle à ceux qui désiraient s’instruire, se trouve naïvement exprimée par Fontenelle.

« La chimie, dit-il dans l’éloge de Lémery, avait été jusque-là une science, où pour emprunter ses propres termes, un peu de vrai était tellement dissous dans une grande quantité de faux qu’il en était devenu invisible, et tous deux presque inséparables. Au peu de propriétés naturelles que l’on connaissait dans les mixtes, on en avait ajouté, tant qu’on avait voulu, d’imaginaires, qui brillaient beaucoup davantage. Les métaux sympathisaient avec les planètes et avec les principales parties du corps humain ; un alcaest, que l’on n’avait jamais vu, dissolvait tout ; les plus grandes absurdités étaient révérées à la faveur d’une obscurité mystérieuse dont elles s’enveloppaient, où elles se retranchaient contre la raison. On se faisait honneur de ne parler qu’une langue barbare, semblable à la langue sacrée de l’ancienne théologie d’Égypte, entendue des seuls prêtres, et assurément assez vide de sens. Les opérations chimiques étaient décrites dans les livres d’une manière énigmatique, et souvent chargées à dessein de tant de circonstances impossibles ou inutiles, qu’on voyait que les auteurs n’avaient voulu que s’assurer la gloire de les savoir, et jeter les autres dans le désespoir d’y réussir. Encore n’était-il pas fort rare que ces auteurs mêmes n’en sussent pas tant, ou n’en eussent pas tant fait qu’ils le voulaient