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girart de roussillon

envieux. » Girart sourit et baissa les yeux : « Beau neveu, dit-il, vous êtes preux ; votre ardeur juvénile serait bonne, si vous aviez la sagesse. »

98. Landri, qui tint Nevers[1], parla à haute voix et posément : « Boson, tu nous as dit une bien folle parole.... Tu as l’outrecuidance, diable incarné[2], de dire qu’avec les gens que tu as ici tu combattras Charles Martel ! Et si Girart te croit, il est rasé de sa terre. Mais qu’il fasse en tout cela selon ce que je vais dire : qu’il lui envoie promptement un message à Reims ou à Soissons, ou à Beauvais. Girart, s’il veut ton droit, tu le lui feras ; s’il le dédaigne, par saint Thomas, mande alors tes hommes, tous ceux que tu pourras réunir ; si Charles cherche bataille, qu’il ne te trouve pas sans force ; s’il ravage ta terre, tu iras au-devant de lui, et si tu ne la lui défends, que le feu te brûle ! — Ce conseil « , dit Girart, « je le tiens pour bon, et puisqu’il a été mis en avant, je ne le mettrai point arrière. »

99. « Un conseil », dit Girart, « j’en suis un fort bon : si le roi ne veut prendre mon droit et me refuse, j’enverrai auprès de mon père le duc Drogon qui tient le Roussillonais et Roussillon[3], Besalu et Girone jusqu’à Auson[4], Berga-

  1. Landri, comte de Nevers, est un personnage historique. Il fut mêlé à plusieurs guerres féodales à la fin du xe siècle et au commencement du xie. Il mourut vers 1028 ; voy. Art. de vérif. les dates, II, 558, d’Arbois de Jubainville, Hist. des comtes de Champagne, I, 220, 237-8, 322.
  2. Vis satanaz, expression qui correspond au vif diable, si fréquent dans les anciens poëmes français.
  3. Il y a ici un souvenir de l’ancien Ruscino, qui aurait été détruit vers 858 par les Normands ou par les Sarrazins, selon D. Vaissète, I, 560 (voir la note de l’édition Privat, I, 1081). On ne trouve plus de trace de cette ancienne ville dans les documents historiques après 816, selon M. Alart, Société des Pyrénées orientales, XII, 109.
  4. Tres qu’en Auson Oxf. ; tro en Anco P. (v. 957) ; D. Manuel Milà y Fontanals, qui a étudié ces désignations géographiques d’après l’édition de M. Fr. Michel (ms. de Paris) dans ses Trovadores en España,