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girart de roussillon

105. Aimon a guidé Fouque et les siens jusqu’au pont de la cité d’Orléans. Ils descendent le long de la Loire en un pré. Alors Fouque, s’adressant à Aimon de Montismat[1], le seigneur de Bourges et de la contrée : « Don, quand vous serez dans la cité, faites connaître au roi mes intentions : nous sommes entrés ici sous votre sauvegarde ; nous sommes messagers de Girart et ses chasés[2]. Nous lui ferons droit s’il y consent. Prévenez Belfadieu[3], le juif, qu’il fasse préparer mes logis au Bourg l’Abbé[4] ; qu’il dispose mon palais de sorte qu’il n’y manque rien, car si je le savais cela irait mal. — C’est bien, » répondit Aimon. Il entra dans la ville, les autres restèrent ; et Fouque parla aux siens : « Oyez, francs chevaliers, ce que j’ai pensé. Ne répondons au roi aucune parole outrecuidante : point de mots hautains, point de menaces ; mais tenons-nous bien d’accord, afin que, lorsque nous serons de retour, on ne dise point que nous ayons été fous ni sots ; car on tient pour hors du sens le chevalier qui combat avec la langue. » Laissons maintenant Fouque, le chevalier de renom, et parlons d’Aimon, le vaillant guerrier.

106. Aimon entre au palais, et paraît devant le roi qui

  1. De Montegat, P. (v. 1067).
  2. Ceux à qui il a concédé des fiefs. C’est un mot de l’ancien français qu’il vaut mieux conserver que remplacer par une périphrase.
  3. Belfadu Oxf. ; plus loin, dans le même ms. (§§ 106, 113), Baufadus, Baufadu, mais dans P. Belfadieus, Belfadieu (v. 1074, 1106, 1231).
  4. El borc l’abat Oxf. ; e la ciptat P. ; mais au v. 1109 les deux textes portent borc l’abat. On verra plus loin (§ 116) que Fouque possédait à Orléans un palais situé dans les dépendances d’une abbaye, le moûtier Saint-Éloi. Le juif Belfadieu en avait la garde (voir § 113). Le rôle que ce personnage joue dans ce poëme est digne de remarque. Il est présenté comme un homme important et considéré. On verra par la suite que les juifs d’Orléans étaient sous la sauvegarde de Fouque.