Dans la même région, a posttonique est souvent rendu par e, comme en français, et tel est l’usage de notre poème : à preuve la tirade 416 : guerre, terre, querre, cimentere, enquerre, conquerre, enserre où les deux premiers mots et le dernier auraient en prov. la finale a ; la tirade 533, en ere (ouvert), dont toutes les finales seraient en prov. eire (ou iera), sauf derrere, Pere (Petrum) ; les tirades en aire où on trouve de temps en temps une finale qui en latin est a : esclaire (98, 513, 630, 670), flaire (513), declaire 670 ; la tirade 172, en aive, qui contient aussi deux mots à terminaison latine a : Blaive (Blavia) et saive (sapia) ; la rime entre, où figure entre (intrat) à côté des inf. entendre, prendre, etc. (427, 475, 568) ; la tirade 643, où ovre (opera) et povre (*paupera) riment avec des mots qui en latin ne se terminent pas par a. Je n’ai pas la prétention de déterminer avec précision la prononciation de cet e final : entre l’a et l’e il y a bien des nuances ; nous constatons seulement que l’a final de la base latine est affaibli au point d’être rendu par e, ce qui n’implique pas nécessairement la prononciation très affaiblie qu’on peut attribuer à l’e féminin en ancien français.
À la même latitude, la graphie oscille entre au et o, d’où l’on peut conclure que les deux sons marqués par ces deux signes se rapprochaient singulièrement. L’inconséquence du poète qui, selon les rimes, adopte tantôt au et tantôt o est par là expliquée et atténuée : au et o ouvert étaient bien près de se confondre dans la prononciation.
é pour le latin ē, ĭ, se trouve, au moins sporadiquement, dans tout l’ouest de la France, jusqu’en Bretagne. Ce n’est donc pas, de ce côté, un caractère bien précis. Mais au centre et à l’est ei, oi, s’introduisent dans le même cas à une latitude notablement inférieure : vers
précisées et qui comportent de nombreuses distinctions. Mais ce n’est pas ici la place d’une dissertation de géographie linguistique.