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girart de roussillon

villons... et s’en retournent à petites journées. Pendant la route, la tristesse et les querelles furent bannies ; l’enthousiasme, l’allégresse, la joie, les chants régnèrent jusqu’à la mer, qu’on repassa dans les chalants.

22. Avant que les deux femmes soient à mi-chemin, Girart envoie en France des messagers. Ils étaient vingt, munis de chevaux..., de palefrois, de chameaux, de mulets coursiers. Les trois premiers, Foucherant, Artaut et Ponsenier, se présentèrent au roi qu’ils trouvèrent à Saint-Denis au moutier. Charles s’empresse d’interroger les messagers : Que pas un ne s’avise de le tromper ! — « Sire, nous vous dirons la vérité. Jamais on n’a vu tel avoir ni tant de deniers. L’empereur vous envoie des lions et des dragons enchaînés, avec leurs gardiens, de brillantes escarboucles... des aigles de montagne (?) qui ont des ailes plus tranchantes qu’acier... » Et Charles les traite de fous hableurs : ce qu’il voudrait savoir d’abord, « vous le mettez à la fin. C’est des femmes que vous devriez parler en premier ! — Personne ne dira qu’aucun chevalier ait jamais vu si belles... »

23. Charles prend les messagers à part. « Dites-moi laquelle vous tenez pour la plus belle. Si vous m’en disiez mensonge, que j’en aie la preuve, je vous ferais mourir. — Sire, c’est l’aînée qu’on t’a par serment engagée ; et tes comtes et comtors[1], disent qu’ils n’avaient jamais vue plus

    reuse. J’ajoute que si le texte de J. de Salisbury devait être accepté, la définition qui en résulte serait bien embarrassante, car l’alerion, en blason, n’est nullement un grand aigle, mais au contraire un petit aigle. En outre, on voit ici, et on verra mieux encore au § 45, que l’alerion était un oiseau de chasse, par conséquent une sorte de faucon bien plutôt qu’une sorte d’aigle. Je ne dériverais pas ce nom de aquilario, proposé par M. Littré, mais plutôt de ala, alaris, alario, ce qui désignerait un oiseau particulièrement remarquable par son vol ; et cette explication est en accord avec ce que les textes nous disent de l’aurion ou alérion, voy. notamment ci-dessous le § 45.

  1. Comtor, « qualité après celle de vicomte. » Raynouard, Lex. rom. II, 453 ; cf. Du Cange, comitores, et de Gaujal, Études historiques sur