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girart de roussillon

et maintenant, Aimon, guidez-nous, puisque vous nous avez amenés.

127. — Je guiderai bien volontiers, » dit Aimon, « mais mon cœur est triste et courroucé pour cet empereur qui est si fier. Sire roi, pour la dernière fois, recevez les otages de ces chevaliers ! — Non certes, » dit Charles, « mais ce mois de mai et juin tout entier passeront, et je serai sur la terre de Girart. C’est moi qui ferai sa moisson : je trancherai ses vignes et ses vergers, et je verrai la mesnie qu’aura Fouchier : il peut, [dit-il,] mener contre moi mille chevaliers[1], et sa terre n’a pas mille pas ! Mais il se repentira d’avoir eu telle pensée, le larron ! s’il se laisse prendre, je le ferai pendre plus haut qu’un clocher ! — Ah ! roi, » répond Fouque, « tu parles légèrement ! Tu as dans le cœur de mauvais desseins ; la bataille aura lieu, puisque tu la veux, mais prends garde que Fouchier te rencontre en champ de bataille ! Il a des instincts cruels et sanguinaires. Il n’y a homme plus entendu en aucun métier, ni épervier plus habile à prendre la caille[2] que lui n’est exercé au métier des armes. Il tiendra contre vous mille chevaliers. Pour nourrir ses hommes, il ne fait pas de distributions de viande ; son sénéchal ne vous donne pas quatre pains ni son bouteiller deux pleins hanaps de vin, mais on remet

    ment ; voy. Raoul de Cambrai, p. 65 (Outre la mer les en ferai nagier), Renaut de Montauban, éd. Michelant, p, 235-6, 288, etc. On sait que l’exil outre-mer, c’est-à-dire en Terre-Sainte, était l’une des pénitences imposées par l’Église dans les cas graves ; voy. L. Lalanne, Des Pèlerinages en Terre-Sainte avant les Croisades (Bibl. de l’École des Chartes, 2, II, 12-4).

  1. Voy. § 123.
  2. Comparaison courante ; ainsi Peire Vital (Dogoman senher) :

    C’aqui mezeis cant home lor me mentau,
    Mi temon plus que caillas esparvier.

    Et Bertran de Born (Mieg sirventes) :

    Anz vol guerra mais que qualha esparviers.