Gilbert, Garin d’Aix ; et, si vous subissez aucune perte, rendez m’en responsable. » Girart quitta la mêlée, contraint et forcé ; dès ce moment il ne fut pas poursuivi seulement un pied de terrain. Personne n’osa lui dire qu’il y eût eu, de sa part, faiblesse ni lâcheté, mais toutefois Charles et les siens restèrent maîtres du champ de bataille.
344. Charles resta maître du champ de bataille. Il vit tant de damoiseaux étendus sous leur ventaille, tant de hauberts saffrés aux mailles sanglantes. Aux vivants il donnera, dit-il, assez de quoi vivre ; quant aux morts, il ne sait penser chose dont ils aient besoin, sinon pour chacun un cercueil, et à celui qui le taillera[1], il donnera cent sous. Un abbé breton de Cornouailles[2] dit alors : « Je ne demande pas à Dieu de me donner le relief d’une autre table[3] ! » Et le roi le lui donna en fief, et en bailla son gant.
345. « Que les évêques, les abbés, nos docteurs, fassent un cimetière en l’honneur de Dieu. Tous ceux qui sont morts ici, les nôtres et les leurs, sont tombés les uns contre les autres, pour leur seigneur[4]. » Tous les principaux [de l’armée de Charles] l’ont octroyé ainsi. L’abbé donna pour
- ↑ C’étaient donc des cercueils de pierre.
- ↑ L’évêché de Cornouailles en Bretagne, chef-lieu Quimper.
- ↑ M. à m. « Que Dieu ne me donne pas relief d’une autre serviette (toaille) ». Je suppose qu’il y a ici une allusion à l’usage d’accorder à celui qui avait servi à table, en certaines grandes occasions, le relief de la table. Dans Huon de Bordeaux, vv, 256-68, le relief du duc Seguin, pour servir à la table de Charlemagne à Pâques, à la Pentecôte et à Noël, est estimé à trois mille livres. Le relief consistait ordinairement en pièces de vaisselle, particulièrement en un hanap, voir l’extrait des Assises de Jérusalem cité dans Du Cange sous grasala. Les témoignages abondent sur ce point. Lors de la consécration de l’évêque d’Angers, Guillaume le Maire (1291), un seigneur s’empara, en vertu d’un droit traditionnel, des bassins d’argent et des serviettes dont l’évêque s’était servi pour se laver les mains au moment du repas. (Mélanges historiques [2esérie], II, 256, dans les Documents inédits.) Cela rappelle et explique le « relief de touaille »dont il est ici question.
- ↑ Ces paroles doivent être placées dans la bouche de l’abbé breton.