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girart de roussillon

Girart se rendit en hâte de ce côté, emmenant autant de monde qu’il put.

408. Fouque ouït les nouvelles. Il monta aussitôt à cheval, avec lui mille chevaliers de mesnie. Il avait à cœur d’aider le comte Girart et de faire payer au roi sa douleur, son dépit et sa honte.

409. Girart est profondément affligé de perdre ainsi sa terre. Il pensait venger sa perte, mais il ne fit que l’accroître. Il combattit avant l’arrivée de Fouque, mais il n’était pas assez fort pour se maintenir sur le champ de bataille. Le comte fut vaincu : son enseigne fut muette[1]. Il dit qu’il ne se sait plus de terre pour laquelle il puisse la tenir[2], puisque Dieu l’a abandonné. Charles campe sur le champ de bataille, ne daignant pas se mouvoir[3] ; il y fait tendre ses trefs et allumer des feux. Mal lui prit de cette bravade[4]. Avant qu’il ait pu ceindre l’épée, il aura du dépit. Ne croyez pas que Fouque se calme avant qu’il ait fait passer sur eux sa douleur et son dépit.

410. Le comte Fouque chevauche plein de colère ; Gui de Ravenne le fait savoir à Girart ; à cette nouvelle, celui-ci tira les rênes. Lorsqu’il vit Fouque venir par la plaine, la joie lui fit oublier sa douleur. Cette nuit, personne ne prit de nourriture, ni cheval, si précieux fût-il, un grain d’avoine. Ils sont accoutumés à endurer la peine. Quand le comte vit paraître l’aube du jour, il leur[5] montra comment, la nuit, il avait recouvré le souffle.

411. En mai, les jours sont longs, courtes les nuits. Les hommes de Charles étaient fatigués de porter leurs armes :

  1. L’enseigne est à la fois le drapeau et le cri de guerre.
  2. L’enseigne et le cri de guerre étaient liés à la possession d’une terre. Le cri était le nom même de cette terre.
  3. Pour poursuivre Girart.
  4. La bravade consiste à avoir dressé les tentes, au lieu de rester sous les armes.
  5. À l’armée royale.