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girart de roussillon

comte, Dieu le lui fasse payer ! » Garin entend cette parole, mais il n’y fait pas attention ; il éperonne son cheval et va frapper Pons de Mont-Armant : il lui tendit l’écu, lui déchira le haubert, et le jeta mort à terre, de sa lance. Puis il dit : « Sire, voilà un coup qui paiera pour ma blessure ! »

454. Voici par le champ Tibert de Vaubeton. C’était un excellent chevalier, apparenté à Charles. Il demande, par la bataille, le comte Fouque. Et celui-ci, quand il l’entend, se présente aussitôt. Ils se frappent si violemment qu’ils se trouent boucliers et hauberts. Ils se renversent l’un l’autre sur la place, mais Fouque se releva et Tibert non.

455. Là où les Français s’alignèrent contre les Bourguignons, il y eut douleur, massacre et rage. Vous auriez vu tant de lances rompues sur les boucliers, tant d’épées rompues brisées près des arçons, tant de damoiseaux morts, frappés à travers leurs hoquetons, ou la gorge tranchée sous le menton ! Là fut pris le convoi destiné au ravitaillement de Roussillon. Charles Martel s’enfuit par les champs, ayant à ses trousses deux cents gonfanons : vous auriez dit un chevreuil poursuivi par les chiens. Ce jour-là Charles n’eût pas donné ses éperons pour Orléans, pour Chartres ni pour Soissons, ni pour cent mille marcs de mangons[1]. Ce qu’il lui fallait, c’était un bon cheval et Roussillon[2].

456. Le soir, Charles s’enfuit à Roussillon. Girart et les siens couchèrent sur le champ de bataille. Il eut désormais assez à donner et à garder. Il peut être assuré de ne plus manquer de rien, pourvu qu’il fasse bonne justice et soit de bonne foi.

457. Le roi Charles s’enfuit à Roussillon ; Girart garde le champ de bataille avec les siens. Il assemble ses meilleurs hommes et leur demande conseil : « Seigneurs, conseillez-moi, au nom de la foi que vous me devez. Comment

  1. Voy. p. 131, n. 4.
  2. Pour lui servir de refuge.