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introduction

aucunement à ce qui précède, qu’elle n’est nullement motivée, on sera sans doute porté à donner la préférence à l’ordre suivi dans le poème. D’ailleurs, puisqu’il faut nécessairement qu’il y ait eu transposition d’un côté ou de l’autre, il est aisé de comprendre que l’erreur a pu être commise plus facilement par l’hagiographe que par le renouveleur de la chanson de geste. L’hagiographe, en effet, se souciait médiocrement de reproduira avec exactitude les faits de guerre que racontait le vieux poème. Ces récits n’étaient que la partie accessoire de la vie qu’il rédigeait. Il est même fort possible qu’il n’ait jamais eu sous les yeux le texte du poème ; les manuscrits des chansons de geste devaient être singulièrement rares à la fin du xie siècle, et vraisemblablement ne sortaient pas des mains des jongleurs. Il peut n’avoir connu le vieux poème que pour l’avoir entendu réciter ou chanter, et, dans ce cas, il n’est point surprenant qu’il ait mis hors de sa place tel ou tel récit. Au contraire, on s’explique difficilement qu’on puisse remanier ou récrire un poème dont on n’a pas le texte à sa disposition. Si donc l’ordre primitif est celui que nous offre la vie latine, si la transposition doit être imputée au renouveleur, il faut qu’elle ait été faite avec intention, de propos délibéré, et on ne voit pas pour quel motif cette modification aurait été apportée à l’ordre suivi dans l’original[1].

  1. À ces considérations, déjà très suffisantes pour justifier la thèse que je soutiens, on peut ajouter un argument fourni par le texte même de la vie latine. Non-seulement la troisième guerre, qui, selon moi, devrait être la première, est placée vers la fin de la vie comme un épisode sans connexion avec ce qui précède et avec ce qui suit, mais encore il est notable que la deuxième guerre, qui, à mon sens, devrait être la troisième et dernière, se termine par une paix qui, d’après les expressions même de l’hagiographe. semblerait ne devoir jamais être