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introduction

pre dont tant de nobles vassaux reçurent le coup fatal » (§ 155)[1].

Il s’en faut que dans la chanson, telle que nous l’avons, tous les morceaux soient d’une valeur égale. L’inégalité se manifeste surtout dans les discours qui sont en nombre infini. Beaucoup ont quelque chose d’abrupte, d’écourté. La pensée est à peine indiquée, l’expression est peu nette. Dans d’autres, au contraire, elle se développe pleinement, sans rien perdre de la concision habituelle au poème. On peut citer, parmi ces derniers, l’allocution de Charles à ses barons, au moment d’engager une bataille. C’est un éloge magnifique de Fouque, le cousin et l’allié fidèle de Girart (§ 321). Là se reconnaît la main du renouveleur. D’ailleurs, la tirade où se trouve cette harangue est d’une longueur tout à fait inusitée. En d’autres endroits, notre poète a du moins s’appliquer et suivre de plus près la vieille chanson.

Je ne veux pas pousser plus loin ces remarques. Le poème est maintenant à la portée de tous, et j’ai confiance que l’admiration qu’il m’a inspirée en tant qu’œuvre poétique ne sera trouvée exagérée par personne.

§ 5. — Rapport entre le Girart historique et le Girart épique.

Nous avons vu, dans le premier chapitre de cette introduction, ce que nous apprend l’histoire sur le comte

  1. E. du Méril a fait ressortir, dans sa préface à La mort de Garin (pp. li-liii), l’absence d’art qui se remarque dans Garin, et ses remarques pourraient s’appliquer, dans une mesure variable, à la plupart de nos anciennes chansons de geste ; mais aucune ne s’appliquerait à Girart de Roussillon.