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Page:Meyerson - Identité et réalité, 1908.djvu/111

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dernes de celles des anciens[1], alors qu’il est facile de s’apercevoir qu’en réalité toutes ces conceptions se tiennent, qu’il y a entre elles une véritable communauté de fond. Cette communauté subsiste en dépit de ce qui paraît à première vue une diversité fondamentale du point de départ. Qu’y a-t-il de plus différent du corpuscule de Lucrèce, de Gassendi et de Boyle, que l’atome-point de Boscovich ou l’électron des théories contemporaines ? Et cependant, nous sentons instinctivement que les éléments communs à ces conceptions l’emportent de beaucoup sur leurs traits distinctifs. Ce sont des « théories atomiques », nous pouvons penser à leur ensemble sans préciser la nature de l’atome ; en fait, des physiciens ont fréquemment édifié des théories atomiques tout en laissant cette question dans l’indétermination.

Ayant adhéré fortement à une forme particulière de la théorie atomique, des savants et des philosophes se sont souvent donné une peine infinie pour motiver ce qui leur apparaissait comme sa base essentielle ; ils ont cherché à établir que leur conception de l’atome était logique et (ce qui était infiniment plus facile) que la conception adverse recelait d’irrémédiables contradictions. D’autres fois, on a cherché à dégager les fondements des théories par une analyse psychologique des éléments sensibles qui concourent à créer les concepts formant (comme ceux d’atome ou de force) les termes ultimes de la réduction[2]. Il est certain que nous cherchons à rendre nos théories aussi peu illogiques que possible. Il n’est pas niable, d’autre part, que le concept de l’atome corpusculaire dérive de notre sensation tactile, tout comme celui de l’atome dynamique est issu de la sensation d’effort. Nous tâcherons de préciser, dans un chapitre ultérieur, la voie par laquelle ces conceptions s’introduisent dans la science. Mais il apparaît clairement que ni le facteur logique ni le facteur psychologique n’ont, à beaucoup près, l’importance qu’on entend leur attribuer. Nous le répétons, la force explicative des théories

  1. Cf. plus haut p. 74. — Hirn, Conséquences philosophiques et métaphysiques de la Thermodynamique. Paris, 1868, p. 209 : « L’existence de l’atome matériel fini et indivisible est aujourd’hui un fait aussi bien démontré qu’aucun de ceux que l’homme de science accepte pour ainsi dire comme des axiomes. »
  2. Une tentative très remarquable dans cet ordre d’idées est celle de M. Kozlowski, Psychologiczne zrodla, etc. Varsovie, 1899, p. 51, 68, Szkice filozoficzne. Varsovie, 1900, p. 86, Zasady przyrodoznawstwa. Varsovie, 1903, p. 95, 245, 264 ss., 287.