Nous avons, chemin faisant, indiqué quelques-unes des données caractéristiques de la théorie. Retraçons-en cependant les traits principaux, en suivant surtout le magistral exposé de M. J.-J. Thomson.
L’être le plus simple que la science eût envisagé jusqu’à ce jour, l’atome chimique, est conçu, dans la nouvelle théorie, comme une construction d’une grande complexité. Prout a cru que les atomes de tous les éléments chimiques étaient des composés d’atomes d’hydrogène, et J.-B. Dumas a envisagé la possibilité de les constituer à l’aide de demi-atomes ou de quarts d’atomes d’hydrogène ; la nouvelle théorie suppose une unité qui équivaut à peu près à 1/700 d’atome d’hydrogène. Ce que nous qualifions d’atome devient une sorte de nébuleuse sans soleil, formée d’un grand nombre de corps égaux possédant de l’inertie et soumis à des forces mutuelles électriques d’attraction et de répulsion, d’une grandeur très considérable[1]. Les théoriciens traitent cette nébuleuse selon les procédés usités en astronomie, calculent des perturbations et appliquent les lois de Képler[2]. Les atomes chimiques se distinguent les uns des autres par le nombre de ces « corpuscules » (selon la terminologie de M. J.-J. Thomson) dont ils sont composés, mais surtout par la manière dont ceux-ci se trouvent arrangés ; et l’on peut voir comment, par une conception ingénieuse et en utilisant des expériences dues à M. Mayer au sujet de l’arrangement spontané de petits aimants flottant sur l’eau, M. J.-J. Thomson parvient à expliquer les propriétés périodiques des éléments, qui seraient dues à ce que des arrangements analogues reparaissent de temps en temps, à mesure que le poids atomique des éléments augmente[3].
Mais qu’est cet élément fondamental, ce corpuscule qui constitue l’atome chimique et par conséquent tout ce que le sens commun qualifie de matière ? C’est, nous dit M. J.-J. Thomson, une unité d’électricité[4]. Ainsi, la matière devient un phénomène électrique. Peut-être verrons-nous plus clairement les conséquences qu’entraîne cette conception, si nous envisageons ce que devient ici le concept de masse. La théorie