Page:Meyerson - Identité et réalité, 1908.djvu/150

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sommes forcés de nous figurer l’action des explosifs. — Ainsi, noire assentiment à la proposition qui stipule l’inertie à l’état de repos n’a pas du tout sa source dans les motifs que nous sommes tentés de lui attribuer et, de ce fait, ne peut nous être d’aucun secours pour la démonstration apriorique du principe.

Il ressort, semble-t-il, clairement de l’examen auquel nous venons de nous livrer que, contrairement à l’opinion de d’Alembert et de Lotze, de Kant et de Maxwell, le principe d’inertie ne saurait se démontrer a priori. L’inertie ne fait pas « partie intégrante du concept du mouvement » (Lotze[1]) et, en la niant, on ne se met pas « en contradiction avec l’unique système de doctrine logique sur l’espace et le temps que l’esprit humain ait été capable de concevoir » (Maxwell[2]). C’est au contraire, ainsi que John Stuart Mill l’a clairement aperçu, une proposition paradoxale et à laquelle « l’humanité pendant longtemps n’a ajouté foi qu’avec beaucoup de difficulté[3] ».

Par contre, il nous semble difficilement contestable que ce principe puisse être considéré comme une vérité d’expérience. Assurément, l’expérience directe est impossible. Tous les corps que nous connaissons obéissent à la gravitation et nous n’avons aucun moyen de les soustraire à l’action de cette force. Le mouvement rectiligne et uniforme ne saurait donc être réalisé. Nous pouvons, il est vrai, décomposer les mouvements des corps célestes ; on a dit quelquefois qu’ils constituent la démonstration la meilleure du principe d’inertie, et cela est vrai en un certain sens. Mais, en tant que fait primitif, cette décomposition manquerait de force démonstrative, étant donné que l’autre composante, la gravitation, reste enveloppée de mystère. Sans doute Hegel avait tort de protester, dans un passage qui a souvent servi de thème aux contempteurs de la métaphysique, contre la supposition que les corps célestes étaient tiraillés en sens divers, et de déclarer qu’ils traversaient l’espace en « dieux libres[4] ». Mais, en

    rement basée sur l’hypothèse d’un mouvement extrêmement rapide des particules, mouvement qui se manifesterait au dehors dans certaines conditions. Cf. Le Bon. L’évolution de la matière. Paris, 1905, passim.

  1. Cf. p. 107.
  2. Maxwell. Matter and Motion. Londres, 1902, p. 36.
  3. St. Mill. A System of Logic. Londres, 1884 p. 160.
  4. Hegel. Naturphilosophie, § 269, Werke. Berlin, 1842, vol. VII. Cf. P. G. Tait. Les progrès récents de la physique. Paris, 1886, p. 15.