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Page:Meyerson - Identité et réalité, 1908.djvu/172

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fasse exception. À la fois grand comme physicien et comme chimiste, il cherche à réunir les avantages des deux méthodes. Il est très remarquable que Boyle, bien qu’il ne formule nulle part le principe, raisonne cependant constamment comme s’il admettait la conservation du poids[1]. Mais Boyle ne fit pas école ; après lui, la séparation entre physiciens et chimistes continua comme auparavant. C’est ce qui fait qu’il est difficile de dire si les physiciens de cette époque admettaient ou non la possibilité d’un changement de poids au cours d’une opération chimique. À tout bien considérer, on arrive cependant à concevoir qu’au moins ceux d’entre eux qui supposaient l’existence de matières impondérables, ne voyaient rien de choquant dans l’hypothèse de leur intervention dans les réactions chimiques et de modifications de poids consécutives.

Telle était, en effet, l’opinion générale des chimistes. L’impondérable dont ils faisaient le plus souvent usage n’était autre que le « feu élémentaire », le quatrième élément d’Aristote ; le « soufre » de Paracelse en dérivait directement et aussi, plus tard, le phlogistique de Becher et de Stahl. À travers tous ces avatars, il lui était resté comme une sorte de privilège, c’est d’échapper aux considérations de poids. Encore à la veille de la révolution chimique de Lavoisier, l’idée que le phlogistique était un corps absolument léger, doué d’un poids négatif, ne paraissait pas autrement choquante. Cela se voit clairement à la manière dont est traitée cette supposition dans les notes qui accompagnent la traduction de l’Essai sur le phlogistique de Kirwan et qui, œuvre collective de la nouvelle et triomphante école, en constituent comme une sorte de bréviaire[2].

Cependant, au xviie siècle déjà, la pesanteur du feu avait été affirmée à peu près en même temps que celle de l’air. Carpentarius[3], Galilée[4] la supposent, de même que plus tard, Rob.

  1. Boyle. Works. Londres, 1744, vol. III. New Experiments to make Fire and Flame ponderable, etc., p. 318, 342-352.
  2. Essai sur le phlogistique et sur la constitution des acides, traduit de l’anglais de M. Kirwan ; avec des notes de MM. de Morveau, Lavoisier, de la Place, Monge, Berthollet et de Fourcroy. Paris, 1788, p. 3.
  3. Carpentarius, l. c., p. 73-74.
  4. Galilée, l. c. L’écrit publié par M. Favaro appartient à la jeunesse de Galilée et semble refléter des opinions qui, à ce moment, étaient courantes dans certaines écoles d’Italie. On peut voir, par le De motu de Galilée (Œuvres, éd. Favaro. Florence, 1890 ss., vol. I, p. 252) qui est également un écrit d’école, que cette affirmation de l’universelle pesanteur des corps se rattache directement à la réaction contre le péripatétisme.