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Page:Meyerson - Identité et réalité, 1908.djvu/251

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cevoir comme une vérité de raison, vérité nécessaire. Comment nous y prendrons-nous ?

Revenons à notre concept de l’atome mécanique. Est-il réellement dénué de qualités ? Non pas, il lui reste au moins une faculté, celle d’être une cause de mouvement pour d’autres atomes. Mais, en la discutant, nous avons, semble-t-il, démontré qu’elle ne saurait lui être attribuée, qu’elle est incompatible avec l’image que nous nous en faisons ; c’est donc encore une « qualité occulte ». Pour nous rendre compte comment nous sommes parvenus à la reconnaître comme telle, nous n’avons qu’à considérer ce qu’est cette image de l’atome avec laquelle la faculté en question ne peut s’accorder. Que reste-t-il de l’atome corpusculaire si l’on enlève la force à distance et l’impénétrabilité ? Il ne reste évidemment qu’un morceau de l’espace. « Je conçois comme atome, dit M. Lasswitz (c’est le passage dont nous avons déjà fait usage, en établissant le concept fondamental de l’atome corpusculaire) une partie mobile de l’espace, dont les parties géométriques sont en repos relatif les unes à l’égard des autres[1]. » Donc, nous avons en réalité cherché à concilier l’impénétrabilité avec les propriétés de l’espace, et nous avons finalement établi que l’on ne saurait la déduire de ces propriétés : c’est ainsi que nous avons pu la traiter de « qualité occulte ». Ce terme, en effet, ne saurait se définir que comme : ce qui ne fait pas partie du concept (Leibniz, dans le passage que nous venons de citer, dit : « qui pourront être dérivées de leur nature »). Il dépendra donc de la manière dont nous formerons le concept de matière, de sa définition, que telle ou telle qualité soit ou ne soit pas « occulte ». Ici, nous avons confondu la matière avec l’espace et, bien entendu, celui-ci étant absolument inerte, son concept excluant à la fois l’activité et la passivité, l’impénétrabilité et, à plus forte raison, l’action à distance sont devenues « qualités occultes ».

Pour s’en convaincre, il suffit du reste de considérer les indications de Descartes et de Locke au sujet des qualités premières. Descartes affirme que « la nature de la matière ou du corps pris en général ne consiste pas en ce qu’il est une chose dure ou pesante ou colorée ou qui touche nos sens de quelque autre façon, mais seulement en ce qu’il est une substance étendue en longueur, largeur et profondeur[2]. »

  1. Cf. plus haut, p. 58.
  2. Descartes. Principes, IIe partie, chap. iv.