Page:Meyerson - Identité et réalité, 1908.djvu/287

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la réalité qui est la conséquence des identifications successives. Cette théorie idéaliste, nous la portons en nous préalablement à la constitution de la science, puisque c’est avec son aide que nous la constituons. « L’intelligence humaine, dit Bacon, est portée aux abstraits, par sa propre nature ; et elle feint de trouver constantes les choses qui sont en flux[1]. » C’est nous qui cherchons à établir l’identité dans la nature, qui la lui apportons, qui la lui supposons, si l’on veut bien donner à ce vocable le sens qu’il a dans le terme « enfant supposé ». C’est là ce que nous appelons comprendre la nature ou l’expliquer. Celle-ci s’y prête dans une certaine mesure, mais elle s’en défend aussi. La réalité se révolte, ne permet pas qu’on la nie. Le principe de Carnot est l’expression de la résistance que la nature oppose à la contrainte que notre entendement, par le principe de causalité, tente d’exercer sur elle.


  1. Bacon. Novum organon, liv. Ier, Aph. 51.