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Page:Meyerson - Identité et réalité, 1908.djvu/403

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pendant en soi et elle n’a rien de mystérieux. C’est une conséquence directe du principe d’identité. Quant à la simplicité, il convient de distinguer. La science, assurément, tend à simplifier les connaissances acquises, c’est-à-dire à les résumer en formulant des lois et des théories de plus en plus générales : c’est là une conséquence du principe de l’économie de l’effort, qui est la source de la science empirique. Mais il n’est pas vrai de dire qu’à mesure que la science avance, notre conception d’un phénomène réel gagne en simplicité ; car si la science découvre souvent le simple sous le complexe, d’autres fois, comme l’a fait ressortir M. Poincaré, c’est au contraire le complexe qu’elle découvre sous les apparences de la simplicité. Ainsi, la simplicité de la loi de Newton pourrait fort bien n’être qu’apparente. « Qui sait si elle n’est pas due à quelque mécanisme, au choc de quelque matière subtile… et si elle n’est devenue simple que par le jeu des moyennes et des grands nombres[1] ? » Et si, de deux formules, de deux solutions théoriques, nous devons toujours, à mérite égal, adopter la plus simple, il n’est pas exact que, de deux éventualités, celle qui correspond à la théorie la plus simple doive se réaliser. Il était simple de supposer que les planètes tournent autour du soleil en cercles, et comme Copernic n’avait à sa disposition que des observations grossières, il a agi logiquement en adoptant cette hypothèse. L’ellipse est en effet une ligne plus compliquée que le cercle, et le fait que le soleil se trouve dans l’un des foyers, l’autre restant vide, choque même tout d’abord notre sens de la symétrie ; n’empêche que Képler, à son tour, a eu raison de ne pas hésiter dans ce cas. De même les lois de Mariotte et de Gay-Lussac sur le volume des gaz sont très simples ; cela prouve-t-il qu’elles soient exactes, c’est-à-dire que ce soient des lois suivies réellement par la nature elle-même ? La question, en l’état actuel de la science, ne se pose même plus ; nous savons fort bien qu’aucun gaz ne suit exactement les lois dont nous parlons, et en les énonçant ou en les appliquant, nous avons bien soin de spécifier que nous traitons d’un être entièrement hypothétique que nous désignons comme le « gaz parfait ».

Mais nous avons vu que la question se posait pour Comte, (cf. p. 5 ss.) et qu’il l’avait tranchée dans le sens absolument contraire. M. G. Milhaud, dans une analyse remarquable, a

  1. Poincaré. La science et l’hypothèse, p. 176, cf. Thermodynamique, p. VII.