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docile à la critique, souffrant la contradiction, il sut pourtant dire la vérilé aux grands sans les blesser, et trouvait au besoin la chaleur et l’énergie nécessaires pour défendre ces anciens dont la lecture avait fait les délices et l’occupation de toute sa vie. Aussi eut-il le rare bonheur de ne connaître ni ennemis, ni envieux, et ces vers de Sélis, pour son portrait, n’eurent point de contradicteurs :

Voici l’auteur qui réunit
Le cœur, les mœurs, le don d’écrire ;
Que jamais on n’entend médire,
Et dont personne ne médit.

Reçu à l’académie des inscriptions, il s’y fit estimer, et encore plus aimer, par sa franchise et sa bonté. Les commencements de la révolution avaient de quoi séduire une ame pure, noble et fière, et qui ne vit, dans les premiers accès de cette fièvre terrible, que le terme des abus et la naissance d’un meilleur ordre de choses ; mais cette adhésion aux premiers principes ne put l’entraîner à aucun acte dont il eût à rougir. Cet écrivain estimable, qui cultiva les lettres sans les avilir, leur fut enlevé le 7 février 1792. Son éloge funèbre, par Hérault de Séchelles, qui avait fait avec lui une étude approfondie de la langue grecque et des grands modèles qui l’immortalisent, fut lu à la séance publique de la société des neuf sœurs, le 25 mars de la même année, et imprimé depuis. Ses principaux ouvrages sont : I. Harangues de Démosthènes et d’Eschines, sur la couronne, Rouen, 1768, in-12 ; II. Œuvres complètes de Démosthènes et d’Eschine, 1777 et 1788, 6 vol. in-8º. Il est le premier qui ait fait passer dans notre langue tout ce qui nous reste de ces deux orateurs, dont on ne connaissait que quelques discours ; mais tout le feu de ces grands maîtres s’éteint sous les mains timides du traducteur. Sa version se recommande par la correction, par l’exactitude ; mais elle manque de vie, de chaleur et de noblesse. Cependant, ce grand ouvrage l’occupa dix ans, et son panégyriste nous apprend qu’il le refondit en entier, avant de donner la seconde édition. III. Œuvres complètes d’Isocrate, 1783, 3 vol. in-8º. Cet ouvrage est plus estimé que le précédent, parce qu’il est plus facile de reproduire la froide symétrie d’Isocrate, que l’éloquence impétueuse et rapide de Démosthènes. Cependant, un critique, sans doute trop sévère, dit que le traducteur savait mieux le grec que le français, et que, si son travail pouvait servir aux études des jeunes gens, il n’était pas fait pour donner aux gens du monde une idée de l’éloquence des anciens, et de l’élégance attique. IV. Œuvres complètes de Lysias, 1783, in-8º ; V. Homélies, Discours, et Lettres choisies de S. Jean Chrysostôme, 1785, 4 vol. in-8º ; VI. Discours choisis de Cicéron, 1787, 3 vol. in-12. Il les avait traduits tous, et il avait autant médité l’orateur romain que l’orateur grec. VII. Harangues tirées d’Hérodote, de Thucydide et des œuvres de Xénophon, 1788, 2 vol. in-8º ; VIII. Homélies et Lettres choisies de S. Basile-le-Grand, 1788, in-8º. IX. Projet d’éducation publique, précédé de quelques réflexions sur l’assemblée nationale, 1789, in-8º ; X. Catéchisme du citoyen français. XI. Des gouvernements en général, et en particulier de celui qui nous convient, 1791, in-8º ; XII. Combien il nous importe d’avoir la paix, 1792, in-8º. XIII. De la constitution des Romains, sous les rois et au temps de la république, 1792, 3 vol. in-8º. L’auteur avait consacré plus de trente ans à cet important ouvrage. Il y présente la consti-