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barendum esse. En effet, Hotman cite, d’après Fulgosius, un principe de jurisprudence consacré à cette époque, qui prouve la grande autorité que les décisions des glossateurs avaient dans les tribunaux : Si sententia glossatoris, dit-il, auobus doctoribus est contrariaa, profecto in judiciis prœvaleret sententia ipsius glossœ. Deux opinions aussi opposées prouvent que chaque siècle a un esprit particulier qui dirige le goût et les connaissances, et que c’est d’après cet esprit que la critique impartiale doit prononcer. L’esprit dominant du temps d’Accurse était d’accumuler l’érudition, d’interpréter, de commenter les passages ou le texte des lois. Les ouvrages des jurisconsultes estimés à cette époque doivent donc être remarquables par la profondeur de leur érudition et de leur jugement ; mais, n’étant pas assez instruits dans l’étude de l’histoire, ces mêmes jurisconsultes ont dû commettre de grandes erreurs dans l’interprétation des lois. Tel est Accurse. Le goût et l’esprit dominants du temps de ses détracteurs, à la tête desquels il faut mettre Alciat et Budée, était l’étude des antiquités et des historiens grecs et latins. Ils ont dû alors relever les erreurs commises par leurs prédécesseurs ; mais s’ils leur sont supérieurs par la connaissance des belles-lettres, qu’ils ont eu soin d’associer à l’étude des lois, ils leur sont inférieurs par la profondeur du jugement ; tel est Alciat et beaucoup d’autres. L’injustice des reproches faits à Accurse provient aussi de ce que la Grande Glose porte le nom de ce jurisconsulte, et qu’on lui a attribué tout ce qu’il y a de bon et de mauvais dans cette volumineuse collection, qui n’est au reste qu’une compilation des meilleures décisions des jurisconsultes qui existaient avant lui, tels qu’Irnérius, Hugolinus, Martinus Bulgarus, Aldericus, Pileus, Rogerius, Joannes, Odofredus, Placentinus ; or, comme il a mêlé souvent son sentiment avec les discussions des autres commentateurs, et qu’il n’indiquait les auteurs que par la première lettre de leurs noms, cette lettre étant disparue dans beaucoup d’endroits, on a pu prendre pour son sentiment ce qu’il n’avait dit que comme citation de la doctrine d’un autre : telle est du moins l’opinion de Bayle. Il est certain qu’Accurse a débrouillé avec netteté et précision le sens de beaucoup de lois, s’est décidé presque toujours pour le meilleur avis, dans les matières sur lesquelles les sentiments sont partagés ; et qu’ainsi il a mérité les éloges que Ferrière, Terrasson et Cujas même lui prodiguent si souvent, en l’élevant au-dessus de Barthole. C’est donc avec plus d’esprit que de justice que Boileau s’égaye dans son Lutrin aux dépens de ce jurisconsulte, en disant :

À l’instant il saisit un vieux Infortiat,
Grossi des visions d’Accurse et d’Aciat.

Cependant on doit avouer qu’Accurse n’aurait pas laissé subsister les fautes grossières et les absurdités dont sa Grande Glose est remplie, sans son ignorance dans l’histoire, ignorance qui lui est d’ailleurs commune avec tous les autres glossateurs. Son ouvrage étant encore souvent cité au barreau, il n’est pas inutile de dire que, si les discussions profondes qu’on y trouve peuvent étendre les connaissances des jeunes jurisconsultes, ils ne doivent le lire qu’avec défiance. Parmi les éditions estimées de ses ouvrages, celle que l’on préfère est de Denis Godefroi, Lyon, 1589, 6 vol. in-fol. Au tome 6, on trouve la table alphabétique des Gloses d’Accurse. La vie privée d’Accurse offre peu de détails intéressants ; il vécut riche et considéré, ayant, comme dit Bayle, belle maison à la ville, belle maison à la campagne, et mourut à Bologne, en 1229, à l’âge de 78 ans. Ceux qui fixent l’époque de sa mort en 1260 confondent le père avec un de ses fils qui portait le même prénom. Son tombeau, tel qu’il existe à Bologne dans l’église des cordeliers, n’a de remarquable que la simplicité de son épitaphe : Sepulchrum Accursii, glossatoris legum, et Francisci ejus filii. Il laissa deux fils et une fille. Toute sa famille, sans exception, se livra à l’étude des lois. — Sa fille se fit remarquer par une étonnante érudition, et donna des leçons publiques de droit romain à l’université de Bologne. Pancirole confirme ce fait vraiment extraordinaire : Filium quoque habuisse dicitur que jus civile Bononiœ publice docuit. Bayle parait en douter, mais Fravenlobius et Paul Fréher l’avaient rapporté avant Pancirole. M-x.


ACCURSE (François), fils aîné du précèdent, professait le droit à Bologne avec une réputation extraordinaire, lorsqu’Édouard Ier, roi d’Angleterre, passant par cette ville en 1273, à son retour de la terre sainte, l’engagea à venir remplir le même emploi dans les provinces de France soumises à sa domination ; mais le gouvernement de Bologne, fier de posséder un savant si distingue, lui défendit de quitter sa chaire, et le menaça de confisquer ses biens s’il sortait de la ville. Soit inconstance, soit ambition, Accurse partit pour la France, après avoir fait à un ami une vente simulée de ses biens, ce qui n’empêcha pas qu’ils ne fussent confisqués. Après avoir enseigne le droit à Toulouse pendant trois ans, François Accurse fut attiré à Oxford par Édouard, qui le logea dans son palais, et se servit utilement de ses talents dans les démêlés qu’il eut avec Gaston, duc de Béarn. Il revint à Bologne vers 1280, et rentra en possession de sa chaire et de ses biens. Il y mourut en 1321. On raconte que, pendant le temps qu’il professa à Toulouse, Jacques de Ravenne, l’un des plus savants jurisconsultes de son temps, vint incognito se mêler parmi ses auditeurs. Accurse expliquait le texte de la loi sur les intérêts ; Jacques lui fit des objections si fortes, si embarrassantes, que, restant sans réponse, Accurse fut obligé d’avouer que le prétendu écolier en savait plus que le maître. Les savants des siècles suivants ont établi de longues discussions pour savoir si ce François Accurse était contemporain de Barthole ; mais Pancirole a prouvé que ce qui avait donné lieu à cette discussion, c’est qu’en effet il y eut un Accurse collègue de Barthole, mais qu’il était fils d’un autre Accurse, dont Guillaume Duranti fait souvent mention, qui enseigna le droit à Reggio, sa patrie, en l’année 1273, et donna des leçons à Padoue. Il ne nous est resté de François Accurse aucun écrit qui justifie sa célébrité. M-x.

CERVOT ACCURSE, frère du précédent, eut,