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ADA

terre lui produisit de quoi se nourrir. Après cette terrible sentence, il eut trois enfants, Cain, Abel et Seth, et il mourut âgé de 950 ans. L’opinion de Tatien, qui soutenait qu’Adam n’était pas sauvé, a été censurée par les anciens Pères. Les Grecs célèbrent sa fête le 19 décembre, et plusieurs martyrologes latins la placent au 24 avril ou au 24 décembre. L’histoire d’Adam se conserve, plus ou moins altérée, dans les traditions de tous les anciens peuples : sa chute est le fondement de presque toutes leurs théologies. Dans Phérécide, il est question de l’ancien serpent, ennemi de Dieu ; dans Hésiode, de l’homme formé du limon de la terre, du chaos et de l’Érèbe, ou de la lumière qui succède aux ténèbres ; dans Sanchoniston, du vent Colpiah, qui fait naître les deux premiers humains, ce qui rappelle Adam et Ève, sortant du néant à la voix de Dieu, et animés par son souffle. Les traditions des Chaldéens représentent toutes les nations descendant d’un seul et même homme, doué d’une intelligence que le Dieu suprême lui avait donnée en le créant. Les livres des Persans avaient conservé l’histoire d’un seul homme et d’une seule femme, dernier ouvrage de la création, et premiers pères du genre humain, placés dans un jardin délicieux. Ils parlent de leur tentation, de leur chute, du grand serpent, leur ennemi et l’ennemi de leur postérité. Créés d’abord l’un et l’autre comme les branches d’un arbre sur un même trône, tous deux destinés à vivre heureux, tous deux devenus malheureux par leur désobéissance, après s’être laissés séduire par Arimane, le rusé, le menteur. Strabon assure que l’âge d’or, qui a précédé la chute de l’homme, était connu des Indiens. Abraham Roger, qui avait vingt ans dans l’Inde, et en savait parfaitement la langue, atteste qu’il y a trouvé l’histoire des premiers auteurs du genre humain, telle à peu près, pour le fond, que ce que Moise en raconte. L’Edda, ou la théologie des anciens peuples du Nord, dit que l’homme et la femme étaient originairement unis, et ne formaient qu’un même corps. Il n’est pas jusqu’à leurs noms qui n’aient été conservés dans quelques-unes de ces traditions. On lisait dans les livres des anciens Zabiens, des anciens Perses, des anciens brachmanes, que le premier homme fut Adimo, l’enfant de la terre : c’est effectivement ce que le nom d’Adam signifie dans la langue hébraïque. C’est ainsi que tous les monuments de l’antiquité païenne, en s’amalgamant avec ceux de l’antiquité juive et chrétienne, attestent une source commune qui, dès les premiers temps, s’est transmise par les différents canaux de la tradition, soit orale, soit écrite, pour mettre hors de contestation l’histoire de nos premiers parents. Adam a donné lieu à une secte d’hérétiques nommée adamites, qui, dans leurs temples, paraissaient tout nus, sous prétexte que la mort de Jésus-Christ avait rétabli les hommes dans l’état d’innocence où Dieu avait créé Adam et Ève. Cette secte, renouvelée à Anvers, dans le 13e siècle, par un nommé Taurmède, qui, suivi de 3,000 brigands, enlevait les filles et les femmes, fut portée en Bohême, au 15e siècle, par un Flamand nommé Picard, et passa de là en Pologne, où l’on croit qu’elle subsiste encore. T-d.

ADAM de Brême, ainsi nommé, non parce que Brême était sa patrie, mais parce qu’il y fut chanoine, naquit, selon quelques historiens, à Meissen. Il se voua de bonne heure à l’état ecclésiastique, et fit ses études dans un couvent. En 1067, Adelbert, archevêque de Brême, le fit chanoine, et directeur de l’école de cette ville, place alors non moins importante qu’honorable, puisque ces écoles étaient les seuls établissements d’instruction publique. Adam consacra sa vie entière à ses fonctions, à la propagation de la foi, et à la composition d’une Histoire ecclésiastique intitulée : Historia ecclesiastica Ecclesiarum Hamburgensis et Bremensis vicinorumque locorum septentrionalium, ab anno 788 ad an. 1072, Copenhague, 1579, in-4o ; Leyde, 1595, in-4o ; Helmstædt, 1670, in-4o. Cette dernière édition, publiée par Jean Mader, est la meilleure. Cet ouvrage, divisé en quatre livres, est le plus précieux et le plus détaillé que nous ayons sur l’histoire de l’établissement du christianisme dans le nord de l’Europe. Comme l’archevêché de Brême était le centre des missions, qu’Adam y fut employé lui-même, et qu’il parcourut les contrées du Nord qu’Anschaire avait visitées deux cents ans auparavant, il tira des renseignements importants soit des archives de l’archevêché, soit de la bibliothèque de son couvent, soit enfin des conversations qu’il avait eues avec les idolâtres et les missionnaires. Adam vivait dans le temps on le haut clergé, après avoir longtemps travaillé uniquement à la propagation de la foi, commençait à s’occuper de ses intérêts temporels. Il avait, entre autres, à écrire l’histoire de son protecteur, l’archevêque Adelbert, homme ambitieux, courtisan adroit, en faveur auprès de l’empereur Henri III, et toujours occupé d’étendre et d’élever le diocèse ou il régnait. Il s’acquitta de cette tâche difficile avec plus de sagesse qu’on ne s’attend à en trouver chez un chanoine du 11e siècle. (Voy. Adelbert.) Il avait beaucoup lu, et aimait à citer ; mais il semble, à son inexactitude, qu’il citait presque toujours de mémoire. Son style est simple et coulant, sans antithèses, mais verbeux et lâche. Il fit un voyage en Danemark, et le roi Suénon Estrithson, avec lequel il s’entretint plusieurs fois, lui donna des détails précieux sur l’histoire de ce royaume. De retour à Brême, Adam écrivit un Traité géographique sur les États du Nord, d’après ce qu’il avait recueilli de la bouche même du roi Suénon, et ce qu’il avait puisé dans l’ouvrage d’Anschaire. Cette description fut publiée d’abord à Stockholm, sous le titre de : Chronographia Scandinaviæ, 1615, in-8o, et ensuite à Leyde, sous ce titre de Situ Daniæ et reliquarum trans Daniam regionum Natura, 1629. Ce petit traité est joint à l’édition que Mader a donnée de l’Histoire ecclésiastique de Brême : quoique plein de fables, il est curieux, comme le premier essai de géographie qui ait été écrit sur l’Europe septentrionale, notamment sur le Jutland et sur plusieurs iles de la mer Baltique. On doit aussi à Adam de Brême les premières notions de l’intérieur de la Suède, dont Other et Wolfstau ne connaissaient que les côtes, et de la Russie, dont auparavant le nom seul était