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mes, qu’on appela ensuite fédéralistes, se joignirent à lui ; le changement eut lieu, et amena la constitution de 1788 ; Washington fut élu président, et John Adams vice-président. Cette constitution eut de nombreux ennemis auxquels on donna le nom de républicain, et à la tête desquels on plaçait Jefferson. Ils soupçonnaient les fédéralistes de vouloir établir l’aristocratie, et peut-être même la royauté. John Adams excitait particulièrement leurs craintes ; on connaissait son opinion sur la nécessité d’une balance entre les pouvoirs, et l’on supposait que la conséquence de cette opinion conduirait à des ordres distincts et héréditaires. On lui reprochait d’entretenir un état de maison semblable à celui d’un monarque. Les haines entre les deux partis s’envenimèrent davantage, lorsque la révolution commença en France, et que la guerre éclata entre cette puissance et la Grande-Bretagne. Les fédéralistes voulaient garder la neutralité, et les républicains désiraient qu’on se déclarât pour la France. L’exaspération fut au comble, lorsque le gouvernement des États-Unis conclut un traité de commerce et de navigation avec l’Angleterre. Ce traité, qui donna de justes motifs de plainte au gouvernement français aurait assuré aux républicains la supériorité, sans les excès auxquels on venait de se livrer en France, et sans la conduite impolitique des agents du Directoire exécutif en Amérique. John Adams seconda constamment l’administration dans toutes ces circonstances. Il fut réélu vice-président sous la seconde présidence de Washington. À la troisième élection, Washington ayant déclaré son intention formelle de se retirer des affaires publiques, les républicains se crurent sûrs de la victoire, et se flattèrent de porter Jefferson à la première magistrature. Ils furent encore trompés dans leur attente, parle zèle irréfléchi de l’agent du gouvernement français qui, au moment des élections, écrivit au secrétaire d’État une lettre dans laquelle il reprochait au gouvernement des État-Unis sa partialité pour l’Angleterre, et son ingratitude envers la France. Il semblait vouloir en appeler du gouvernement au peuple. Cette lettre fut imprimée le lendemain de sa date dans une gazette. Elle produisit un effet contraire à celui que son auteur s’était proposé. Tout le monde se mit en garde contre l’influence étrangère dans un moment si important. Beaucoup de républicains votèrent pour un fédéraliste ; Adams l’emporta sur Jefferson, et fut porté à la magistrature suprême, où il suivit le plan de conduite qu’il avait adopté depuis longtemps. Il le suivit peut-être d’autant plus volontiers, qu’il était persuadé que le gouvernement républicain serait de courte durée en France. Pendant son administration, les contestations avec le Directoire furent très-vives [1], et auraient fini par une rupture, sans la sagesse du gouvernement qui fut établi à l’époque du 18 brumaire. À la fin de la présidence de John Adams, Jefferson fut élu à sa place. Adams, devenu vieux, se retira des affaires et alla se reposer de ses travaux dans sa maison de campagne à Quincy. Il mourut à New-York, le 4 juillet 1826, à l’âge de 91 ans, cinquante ans, jour pour jour, après la déclaration d’indépendance, et non point en 1803, comme il a été dit par erreur dans la première édition de la Biographie universelle, et dans plusieurs autres ouvrages qui copié jusqu’à ses fautes. Au bruit des cloches qui célébraient ce mémorable anniversaire, il rassembla ses dernières broc : et dit : « C’est le glorieux 4 juillet ! que Dieu le bénisse, et vous bénisse tous ! Oui, c’est un grand et glorieux jour ! » et il expira. John Adams a publié en anglais : Défense de la constitution et du gouvernement des États-Unis d’Amérique, ou de la nécessite d’une balance dans les pouvoirs d’un gouvernement libre, avec cette épigraphe, tirée de Pope : « l’opposition de toute la nature tient toute la nature en paix ; » Londres, 1887-88, 2 vol. in-8o. Ce livre est en forme de lettres. L’auteur en lit paraitre une nouvelle édition entièrement refondue, sous le titre d’Histoire des principales républiques du monde, Londres, 1794, 3 vol. in-8o. L’ouvrage de John Adams a été traduit en français sur la première édition, avec des retranchements, par Leriget ; la traduction est enrichie de notes et observations par de Lacroix, professeur de droit publie, Paris, 1792, 2 vol. in-8o. Le principal but de l’auteur est de prouver que la démocratie pure est le pire de tous les gouvernements, et il en fournit des preuves nombreuses par des faits historiques. On a quelquefois confondu John Adams avec M. John Quincy Adams, son fils, qui a été, comme lui, président des États-Unis, de 1825 à 1828. B-a.


ADAMS (John), dit le patriarche de l’île de Pitcairn, naquit en Angleterre, vers 1764. Il servit dès son enfance dans la marine royale, et se trouva comme matelot à bord du Bounty, commandé par le capitaine Bligh, qui arriva à Otahiti au mois d’octobre 1788. Lorsque, l’année suivante, ce navire eut repris la mer, Adams souleva l’équipage contre Bligh, et força celui-ci et le peu d’hommes qui lui étaient restés fidèles à descendre dans la chaloupe et à prendre le large. Devenus maîtres du Bounty, les révoltés cinglèrent vers l’île de Tobuai ; mais ne pouvant établir des relations avec les habitants, ils revinrent à Otahiti. Adams, qui ne s’y croyait point à l’abri des recherches du gouvernement anglais, résolut d’aller habiter quelque ile moins connue des Européens. Huit seulement de ses compagnons, avec leurs familles et quelques Otahitiens des deux sexes, s’embarquèrent avec lui pour ce nouveau voyage. Ils voulaient d’abord se rendre aux iles Marquises de Mendoza ; mais sur la proposition de l’un des Anglais, qui avait accompagné Carteret dans son voyage de 1767, ils se dirigèrent vers celle de Pitcairn, comme étant plus convenable à l’établissement qu’ils se proposaient de former. Le 23 janvier 1790, ils arrivèrent à leur destination, et, après avoir débarqué tout ce qui pouvait leur être de quelque utilité, ils brûlèrent le navire. Adams choisit un emplacement propre à bâtir un village, et distribua le reste du terrain entre ses compatriotes. Les hommes de couleur ne reçurent

  1. On peut voir dans le t. 6 de la collection des Mémoires d’un homme d’État, de quels honteux moyens le Directoire et son Ministre Talleyrand se servirent pour arracher aux envoyés des États-Unis des concessions d’argent. (Note de l’Éditeur.)