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ADR

l’un d’eux à son avènement « Vous voilà sauvé. » Il se montra bienfaisant envers le peuple, ennemi du faste, et remplit de bonté pour les gens de guerre, dont il partageait les fatigues et les dangers. Il fit plusieurs règlements dont l’ordre et l’équité étaient le principe. Les sénateurs, les chevaliers pauvres et le peuple furent comblés de ses largesses ; et, dès le moment ou il commença ses voyages, qui occupèrent la plus grande partie de son règne. Il laissa partout des traces de sa magnificence. Enfin, on ne verrait en lui qu’un excellent prince, si ces qualités brillantes n’eussent été mêlées de défauts, et même de vices tellement odieux, que, selon la manière dont on le considère, Adrien peut également être comparé à Domitien ou à Titus. On a déjà vu qu’il croyait à l’astrologie. Il était en effet superstitieux, et c’est a cette disposition d’esprit que l’on attribue la persécution qu’il fit subir aux chrétiens. On n’eut aussi que trop sujet de lui reprocher ses débauches et sa cruauté. S’étant fait déclarer empereur à Antioche le 11 août 117, il écrivit au sénat que ses soldats l’avaient forcé de prendre ce titre, et nomma son tuteur Tatien préfet du prétoire. Il abandonna ensuite toutes les conquêtes de Trajan, soit qu’il ne voulût pas trop étendre un empire déjà immense, soit qu’il fût jaloux de la gloire de son prédécesseur. Il fit même abattre les arches du magnifique pont élevé sur le Danube ordre de Trajan, dans la crainte, disait-il, qu’il ne servit aux barbares pour faire des incursions sur les terres de l’empire. Arrivé à Rome, Adrien refusa les honneurs du triomphe préparé pour Trajan, que le sénat lui offrait, et il les fit rendre à l’image de son prédécesseur. Il fit remise de tout ce qui était dû au fisc depuis seize ans, et brûla publiquement tous les comptes, afin que personne ne pût être inquiété à ce sujet. Plusieurs autres libéralités achevèrent de lui concilier la faveur publique, et il marcha ensuite contre les Sarmates qui avaient fait une irruption en Illyrie. Il les défit ; mais, des lieux mêmes ou il venait d’obtenir la victoire, il écrivit au sénat contre quatre personnages consulaires qui avaient été honorés de l’amitié de Trajan, et les accuse d’avoir conspiré contre lui. Le sénat les fit mettre a mort, sans même leur apprendre de quoi ils étaient accusés. L’indignation publique força Adrien de revenir promptement à Rome, et de déclarer que ces illustres victimes avaient péri à son insu ; mais on ajouta d’autant moins foi à cette justification, que l’empereur fit périr encore plusieurs autres citoyens distingués. Il cessa cependant enfin de faire couler le sang ; et, se contentant d’ôter la charge de préteur à Tatien, dont il redoutait l’ambition, il lui donna en échange une place dans le sénat. Adrien, qui aimait les voyages, et qui disait souvent, « qu’un empereur devait imiter le soleil « qui éclaire toutes les régions de la terre, » se mit à visiter toutes les provinces de l’Empire, et il employa dix-sept ans à ces courses continuelles. Il passa d’abord dans les Gaules et en Germanie. On a même dit qu’il s’était rendu en Angleterre, et que, pour garantir les pays que possédaient les Romains des incursions des Calédoniens ou Écossais, il fit bâtir muraille qui s’étendait dans la longueur de (illisible 90) milles, depuis la rivière d’Edan, dans le Cumberland, jusqu’à celle de Tyne, en Northumberland. Mais ce voyage n’a pas été établi de manière certaine ; ce qu’il y a de sûr, c’est qu’à cette époque il disgracia plusieurs Romains d’un rang distingué qui avaient manqué de respect a l’impératrice Sabine, et l’historien Suétone fut de ce nombre. De retour dans la Gaule, il y fit élever divers monuments. On lui attribue même la construction de l’arène de Nîmes et du pont du Gard. À Tarragona, en espagne, un esclave courut sur lui l’épée à la main, et manqua de le tuer. Adrien, ayant appris que cet escalve était fou, se contenta de le faire mettre entre les des médecins. Ce fut en Afrique qu’il apprit la mort de Plotine ; il s’empressa de retourner à Rome, et après lui avoir rendu grands honneurs funèbres, il la plaça au rang des dieux ; il n’avait jamais que c’était à elle qu’il devait la couronne. Ce fut lui qui donna les plans du temple qu’il fit bâtir en l’honneur de la ville de Rome et de Vénus ; mais il ne put souffrir la critique qu’en fit le sculpteur Apollodore, dont la mort, arrivée peu après, est un des crimes qui souillent le plus sa mémoire. (Voy. Apollodore.) Vers cette époque, Adrien passa de nouveau en Asie, appela près de lui tous les rois voisins, et comble de présents ceux qui se rendirent à son invitation. Étant en Égypte, il fit rebâtir le tombeau de Pompées, et honore ses mânes par des cérémonies funèbres. Ce voyage est devenu honteusement fameux, en ce qu’on y vit éclater l’odieuse passion de l’empereur pour Antinoüs, jeune Bithynien d’une beauté rare ; qui, selon les uns, se noya dans le Nil, et selon d’autres, s’immola pour prolonger la vie d’Adrien. Toujours livré à la plus folle superstition, l’empereur avait eu recours a la magie pour conserver ses jours. Ayant appris que, pour y parvenir, il lui fallait trouver quelqu’un qui s’immolât pour lui il ne put obtenir que de son favori un si grand sacrifice. Si la seule reconnaissance pour un dévouement aussi rare eût produit les regrets immodérés d’Adrien, à peine oserait-on en blâmer l’exagération ; mais l’infâme passion qui s’y joignait les rendit aussi odieux que ridicules. Adrien, dit Spartien, pleura son Antinüs comme une femme adorée ; il lui érigea une multitude de temples, et lui donna des prêtres, qui rendaient des oracles composés par lui-même. Enfin, le bruit se répondit qu’on avait vu dans le ciel un nouvel astre, et que c’était celui d’Antinoüs. Les artistes eurent ordre d’immortaliser la douleur d’Adrien, en multipliant les images de l’objet de son culte ; les peintres et les statuaires travaillèrent à l’envi. Quelques-uns des chefs-d’œuvre qu’ils produisirent sont parvenus jusqu’à nous. Peu de temps après, Pauline, sœur d’Adrien, mourut, et celui qui avait poussé jusqu’à l’extravagance les profusions pour les obsèques d’un vil favori, laissa ensevelir sa propre sœur sans la moindre pompe. Tout corrompus qu’étaient les Romains, un contraste si choquant ne manqua pas de faire sur eux une profonde inpression. Vers ce temps, les juifs se révoltèrent contre Adrien, qui, après avoir établi une colonie romaine