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suite aide-major aux gardes-suisses, capitaine, brigadier, maréchal de camp et lieutenant général. Au commencement de la révolution française, il commanda l’armée du Haut-Rhin jusqu’au 10 août 1792, et, après le licenciement des troupes suisses, il se retira dans sa patrie, fut adjoint au conseil secret de Fribourg, et nommé commandant des forces militaires lorsqu’en 1798 ce canton se trouva, ainsi que toute la Suisse, menacé à la fois d’une révolution et d’une invasion. Le comte d’Afrry, sentant toute l’inutilité d’une résistance armée, se conduisit avec une grande prudence, et contribua à détourner de sa ville natale les maux de la guerre, et ceux surtout qui, dans des moments de crise, naissent du choc des partis. La ville de Fribourg ayant été occupée Par les troupes françaises, le comte d’Affry devint membre du gouvernement provisoire ; mais il ne remplit aucune place pendant la révolution de la Suisse, en ayant été exclu par une mesure générale. Il n’entra néanmoins dans aucun projet contre le nouveau gouvernement helvétique, et resta étranger aux insurrections de 1802 et de 1802 ; mais ce fut avec joie qu’il accepta sa nomination pour Paris, au moment où le premier consul y appela les députés de l’Helvétie, en leur offrant sa médiation. Il recueillit alors les fruits de sa modération, et de l’adresse avec laquelle il avait su se ménager des liaisons avec des hommes de principes opposés aux siens, Quoique le parti des unitaires, qui, en nommant le comte d’Affry, avait cru se donner un auxiliaire non équivoque, l’eût ensuite vu passer dans les rangs des fédéralistes, ses manières conciliantes le firent constamment préférer aux autres députés dont il avait embrassé les opinions, et les unitaires s’empressèrent de le présenter, en toute occasion, comme celui des hommes de son parti qui avait l’esprit le plus conciliant, et auquel ils étaient le plus disposés à se rallier, en faisant à la patrie le sacrifice de leur système et de leurs affections particulières. Le médiateur de la Suisse le distingua en effet parmi les députés de l’Helvétie, et lui confia l’établissement d’une constitution qui devait assurer la tranquillité et le bonheur des anciens alliés de la France. Le 19 février 1805, le comte d’Affry reçut des mains du premier consul l’acte de médiation, par lequel il se trouva lui-même nommé landammann pour cette année, et revenu de pouvoirs extraordinaires jusqu’à la réunion de la diète. Rentré en Suisse, il fut nommé par ses concitoyens premier avoyer de Fribourg, ne s’occupa que de remplir les intentions du médiateur, et d’épargner à son pays de nouvelles crises, en amortissant les haines de parti. Il remplit cette tache avec beaucoup de dextérité, et offrit un exemple mémorable du bonheur avec lequel, dans une position délicate, un tact sût et fin supplée à l’instruction, et l’usage du monde, aux grandes vues et à l’expérience du véritable homme d’État. Dans l’exercice des hautes fonctions auxquelles des circonstances extraordinaires l’appelèrent, et qui semblaient exiger plus de connaissances qu’il n’en avait pu accquérir, il fut secondé par son discernement naturel, et par une art que personne ne posséda à un plus haut degré, l’art de parler sans rien dire, ou de se traire, sans que son silence eût jamais ni l’air de l’ignorance ni celui du dédain. Des lumières et des facultés plus remarquables ne l’auraient peut-être pas servi aussi efficacement. Depuis l’an 1803 où il fut revêtu de pouvoir extraordinaires pour remplir les fonctions de premier landammann de la nouvelle confédération, jusqu’à la fin de sa vie, il fut employé dans les missions les plus honorables. Au couronnement de l’empereur, il porta la parole ; à la tête de la députation chargée de présenter à son médiateur les félicitations des Helvétiens, et, à l’ouverture de la campagne de 1807, il fut député vers l’empereur pour lui recommander les intérêts de la neutralité suisse. Choisi encore, en mars 1810, pour complimenter ce monarque à l’occasion de son mariage avec l’archiduchesse Marie-Louise d’Autriche, il fut comblé de faveurs, reçut des présents, et la grande décoration de la Légion d’honneur. Au moment où il allait faire à la diète assemblée à Berne le rapport de sa mission, une attaque d’apoplexie termina ses jours, le 26 juin de la même année. Des honneurs funèbres lui furent rendus avec beaucoup de pompe. Son nom occupera une place distinguée dans annales de l’Helvétie. Landammann de la Suisse et chargé d’établir une constitution qui devait mettre un terme aux dissensions civiles, il s’acquitta avec succès du rôle de conciliateur et de magistrat suprême d’une nation divisée d’opinions et d’intérêts. L’aménité de ses mœurs, un certain enjouement mêlé a beaucoup de bonhomie, et les formes de la franchise militaire, tempéraient en lui les effets d’une sorte de finesse, qui, sans ce mélange ; aurait déplu à ses compatriotes, et balance l’influence heureuse de ses autres qualités. U-I et S-r.


AFFRY (Charles-Philippe, comte d’), petit-fils du colonel général des Suisses au service de France, naquit en 1772. Il était lieutenant dans les gardes-suisses à l’époque du 10 août 1792, et n’échappa au massacre de cette journée que parce que sa compagnie se trouvait alors détachée en Normandie. Il se retira dans sa patrie aussitôt après le renversement de la monarchie, et ne reprit du service que sous le gouvernement impérial, lorsque son père eut accepté les fonctions de landammann, il fut alors nommé colonel d’un régiment suisse, et fit en cette qualité plusieurs campagnes, notamment celle de Russie en 1812, où il fut nommé officier de là Légion d’honneur après le combat de Smolensk. Il était revenu en France à l’époque du retour des Bourbons en 1814, et il reçut d’eux l’accueil que méritaient son nom et les services de ses ancêtres. Créé chevalier de St-Louis et commandant de la Légion d’honneur, il commandait un régiment suisse lors du retour de Napoléon en mars 1815. Ayant reçu du général Castella, ainsi que tous les officiers suisses, l’ordre de ne pas paraitre aux Tuileries, il ne s’y rendit que sur un ordre positif de Napoléon ; et il eut le courage de lui déclarer qu’il n’obéirait qu’aux ordres du roi a qui il avait prêté serment. Napoléon, très-irrité d’une pareille résistance, n’en montra cependant alors aucun ressentiment, et M. d’Affry put retourner paisiblement dans sa patrie où il fut em-