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crifier à son ressentiment tous ceux qui lui portaient ombrage ; mais Burrhus et Sénèque l’en empêchèrent. Ils étaient sans cesse occupés à adoucir son humeur implacable, et à combattre ses vues ambitieuses. La passion que Néron conçut pour l’affranchie Acte ne tarda pas à diminuer l’influence d’Agrippine. Cette liaison, que Burrhus et Sénèque favorisèrent, excita la fureur d’Agrippine, non qu’elle éprouvât quelques sentiments de vertu, mais parce qu’elle redoutait le crédit de sa rivale. Ses plaintes n’eurent d’autre effet que de porter Néron à l’éloigner, et à se livrer aux conseils de Sénèque. Tandis qu’elle passait ainsi sans cesse de l’espoir de dominer Néron, au découragement, et des fureurs aux bassesses, Néron fit empoisonner Britannicus. Agrippine profita de l’horreur qu’inspirait cet attentat pour recommencer ses intrigues. Néron la punit en la renvoyant du palais. Il parait cependant qu’ils ne tardèrent pas à se réconcilier, puisque c’est surtout alors que le commerce incestueux entre le fils et la mère fut regardé comme un fait authentique. Agrippine employait ce moyen infâme pour combattre l’amour que la fameuse Poppæa Sabina inspirait à Néron. Toutefois, parvenu à la sixième année de son règne, il accomplit l’horrible résolution de faire périr celle à qui il devait la vie et l’empire. Poppée, brûlant d’obtenir le rang d’impératrice, détermina sans peine Néron à empoisonner Agrippine ; mais le crime était trop familier à celle-ci, et elle connaissait trop bien ses ennemis, pour ne pas être sur ses gardes. Néron résolut de consommer ce parricide d’une autre manière, et il en chargea Anicet, l’un de ses affranchis, général des galères à Misène. Pendant la célébration des fêtes de Minerve à Bayes, il feignit de se réconcilier avec sa mère ; elle crut à la sincérité de ce retour, et vint le trouver à Baule, entre Bayes et le cap de Misène ; la, après les plus vives démonstrations de tendresse filiale, il prit congé d’elle, ordonnant à Anicet de la conduire à Antium. Elle partit. « La mer, dit Tacite, était tranquille, le « ciel clair et serein ; les dieux avaient voulu ôter « toute excuse au parricide. » Le vaisseau n’était pas encore fort éloigné du rivage, lorsque tout à coup, à un signal donné, le plancher de la chambre, chargé de plomb, tombe et écrase Crépéréius, qui seul, avec une femme de la suite d’Agrippine, nommée Acerronia, avait accompagné cette princesse. Une cloison les empêcha d’éprouver le même sort. Les matelots, qui n’étaient pas du complot, en arrêtèrent l’exécution, et le vaisseau n’acheva point de se rompre. Les assassins cherchèrent alors à le renverser, et Agrippine tomba dans la mer avec Acerronia qui, dans l’espoir d’être secourue, s’écria qu’elle était Agrippine, et fut aussitôt assommée à coups d’avirons. Agrippine échappe au même sort en gardant le silence ; elle tomba dans la mer ; mais des esquifs sortis du port la transportèrent dans son palais par le lac Lucrin : elle n’avait qu’une légère blessure à l’épaule. Quoiqu’elle ne pût douter du véritable but des agents de Néron, elle résolut de dissimuler, et envoya dire à son fils qu’elle avait échappé au danger par la protection des dieux et la félicité de son règne. Néron avait été trop loin pour reculer, il voyait déjà sa mère dénonçant son crime au sénat et au peuple ; et demandent vengeance. Burrhus et Sénèque conclurent qu’il devait périr lui-même ou le faire périr ; et Tacite prétend qu’ils n’ignoraient pas le premier attentat de Néron. Il fut résolu qu’Anicet achèverait ce qu’il avait commencé, et Néron lui en donna l’ordre. Il fit jeter un poignard entre les jambes du messager que se mère lui envoyait, et prétendit qu’elle avait eu l’intention de le faire tuer ; mais que, voyant son crime découvert, elle s’était donné la mort. Cependant, le peuple, qui ignorait les affreux desseins de Néron, se hâtait de procurer des secours à Agrippine, et de la faciliter d’être échappée eu danger, lorsque l’apparition d’Anicet arrêta ces transports ; suivi de deux autres scélérats, il pénétra dans le chambre où Agrippine était avec une seule femme qui sortit aussitôt. Trop sûre du sort qui lui est destiné, elle s’écrie qu’elle ne peut croire que Néron ait ordonne un parricide ; les assassins ne lui répondent rien, et environnent son lit. Ce fut alors qu’Agrippine dit au centurion qui avait tiré son épée le mot célèbre et qui a tout embarrassé les traducteurs Ventron feri ! Elle expira aussitôt, percée de coups. On a dit que Néron, mettant le combles son forfait, eut la curiosité de la considérer nue après sa mort, et de vanter la beauté de son corps ; mais ce fait est rejeté par plusieurs historiens. Le corps d’Agrippine fut brûlé la nuit même, sans aucun appareil, sur le lit ou elle prenait ses repas. Mnester, l’un de ses affranchis, se perça de son épée au moment où on allumait le bûcher. On ne lui érigea un tombeau qu’après la mort, du parricide. Agrippine avait composé des mémoires dont Pline fait mention, et qui ne sont pas parvenus jusqu’à nous ; mais Tacite déclare qu’il en a tiré parti pour écrire cette époque de l’histoire des Césars. D-t.


AGRŒCIUS, ou AGRÆCIUS et non AGRYCIUS. Ausone loue ce rhéteur dans la 15e épigramme de son livre intitulé : Commemoratio professorum Burdigaliensium. Vinet, dans son commentaire sur Ausone, semble douter que ce rhéteur soit le même qu’Agrœcius dont nous avons un ouvrage sur la grammaire. Hertilo, quem eumdem esse rethorem Agrœcium, nec aio, nec nego. Celui-ci ne laisse aucun doute sur la manière dont s’écrit son nom : Agrœcius, dit-il ; et quum latine scribis, per diphtongum scribendum : Non, ur quidam putant, Per Y, Agrycius. Son ouvrage a pour titre : de Orthographia, Proprietate et Differentia semonis ; il le dédie à Eucher, probablement évêque de Lyon. Cet ouvrage a été imprimé dans le recueil des anciens grammairiens publie par Bonaventure Vulcanius, Banileœ, 1577, in-fol. ; dans celui de George Fabricius, 1595, et enfin dans celui de Putschius, Hanoviæ, 1605, in-4o ; c’est un supplément assez court au traité de Flavius Caper, ancien grammairien latin, sur le même sujet, et tout simplement une table fort riche de la différence des mots, dans le genre de celle qu’on voit à la suite du petit dictionnaire latin de Boudot. On croit que c’est le même Agrœcius qui recueillit et mit en ordre les ouvrages de grammaire d’Isidore