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résister à quelqu’un que l’on trouve aimables et quand on a en le malheur de n’y pouvoir résister, couper au vif une passion violente, une amitié la plus tendre et la mieux fondée ; joignez à tout cela de la reconnaissance ; c’est effroyable : la mort n’est pas pire. » Peut-être les combats qui occupèrent ses dernières années abrégèrent-ils sa vie. Elle mourut en 1733, âgée seulement de 38 ans. Le chevalier fut inconsolable ; il se retira de Paris, emmenant sa fille avec lui, et la maria dans la suite a un gentilhomme de Périgord. Mademoiselle Aïssé, dont les aventures sont plus intéressantes que les œuvres, a cependant laissé un recueil de lettres adressées à madame de Calandrini, femme du résident de Genève à Paris. Ces lettres ne sont point un des premiers modèles du genre ; le ton n’en est pas habituellement celui d’une femme de bonne compagnie ; mais on a quelque indulgence pour celle qui l’emploie, quand on songe que les habitudes de galanterie de son temps, et surtout de la société dans laquelle elle vivait, devaient la tromper sur la mesure et les convenances prescrites à son sexe. Son style a du charme, sa manière de narrer est facile, coulante, et ne manque pas de piquant. Quoiqu’on la blâme, il est impossible de ne pas aimer celle qui se peint avec tant de naturel dans ces lettres ; elles contiennent d’ailleurs des anecdotes multipliées et assez intéressantes sur la cour et sur plusieurs personnes célèbres qui ont été ses contemporaines, entre autres, mesdames du Deffant et de Tencin, sœur de madame de Ferriol ; MM. d’Argental et de Pont-de-Veyle, fils de cette dernière, qui furent élevés avec mademoiselle Aïsse, et lui conservèrent la plus tendre amitié pendant toute sa vie. Au milieu de cette société spirituelle et polie, elle reçut des hommages multipliés ; elle eut beaucoup d’amis vrais, un amant qui oublia tout pour elle, et dont-elle ne fut jamais oubliée. Elle dut ces avantages à son caractère, plus encore qu’aux charmes de son esprit et de sa figure, et ce caractère se voit dans toute sa correspondance. Elle dit quelque part : « C’est un mouvement naturel chez les hommes de chercher à se prévaloir de la faiblesse des autres ; je ne saurais me servir de cette sorte d’art ; je ne connais que celui de rendre la vie si douce à ce que j’aime, qu’il ne trouve rien de préférable, et je veux le retenir à moi, par la seule douceur de vivre avec moi. » Ailleurs : « Que n’étiez-vous madame de Ferriol ! vous m’auriez appris à connaître la vertu ! » Enfin, dans ses derniers moments : « La vie que j’ai menée a été bien misérable. Ai-je jamais joui d’un instant de joie ? Je ne pouvais être avec moi-même, je craignais de penser. » Ces trois passages semblent expliquer l’amour ardent et la constance du chevalier d’Aidic, excuser les fautes de sa maîtresse, et offrir la meilleure leçon aux femmes dans l’aveu des peines qui accompagnent et suivent les grandes passions. Les lettres de mademoiselle Aïssé ont été imprimées, d’abord seules, avec quelques notes de Voltaire, Paris, 1787, 1 vol. in-18 ; ensuite avec celles de mesdames de Villars, la Fayette et de Tencin, Paris, 1806. D. V-z.

AITON (Guillaume), botaniste anglais, né en 1731, dans le comté de Lamarck, en Écosse. D’abord simple jardinier, il fut nommé, en 1759, à la recommandation du célèbre Miller, directeur du jardin du roi d’Angleterre à Kew. C’était un immense dépôt, où, dès lors, des végétaux de toutes les parties, du globe étaient apportés et se répandaient ensuite dans toute l’Europe : Aiton contribua à l’enrichir encore, et il parvint à y faire vivre et prospérer des plantes dont la culture était regardée jusqu’alors comme impossible. Il a publié en 1789 : Hortus Kewensis, or a Catalogue of the Plants cultivated in the royal botanic garden at Kew, 3 vol. in-8o. Cet ouvrage, fait avec beaucoup de méthode et de précision, est le catalogue de toutes les plantes cultivées dans ce jardin ; le nom de chaque espèce est suivi de la phrase linnéenne qui en exprime les caractères distinctifs ; ses variétés, son origine et sa culture y sont désignées avec un soin particulier ; on y trouve la description d’un grand nombre de plantes rares et nouvelles ; mais, ce qui le rend plus précieux pour l’Angleterre, c’est qu’il indique l’époque précise où chacune de ces plantes y a été introduite, ainsi que le nom de celui qui l’a envoyée ou apportée, et les jardins où elle a été cultivée pour la première fois. Cet ouvrage est orné de treize planches, qui représentent autant d’espèces nouvelles ou rares, et dont on n’avait pas encore de bonnes figures. Le soin qu’Aiton a pris de nommer, comme ses principaux collaborateurs, les deux naturalistes suédois, Solander et Dryander, fait honneur à sa modestie. Jean Hill avait déjà fait connaître la richesse de ce jardin, par un premier catalogue, publié en 1768, sous le même titre d’Hortus Kewensis. Aiton est mort en 1793. Le roi a nommé ses deux fils pour lui succéder dans les deux places qu’il avait occupées. M. Thunberg lui a dédié, sous le nom d’Aitonia. un genre qui fait partie de la famille des méliacées. — Depuis sa mort, l’un de ses fils a commencé à publier un grand ouvrage, disposé suivant le système de Linné, dans lequel il donne les figures coloriées de plusieurs plantes exotiques, cultivées au jardin de Kew, avec l’exposé de leur caractère générique. D-P-s.


AITZEMA (Foppe van), gentilhomme frison, résident des états généraux à Hambourg, remplit successivement plusieurs missions politiques en Allemagne, et fut chargé, en 1636, d’engager l’Empereur à garder la neutralité ; il était chargé en outre, par le prince d’Orange, d’obtenir pour lui, comme fief, le comté de Meurs, et, par la reine de Bohême, de travailler pour les intérêts de l’Empire. La cour de Vienne parut d’abord se prêter à toutes ces propositions ; mais la France et l’Espagne ayant trouvé moyen de la faire changer de résolution, Aitzema fut obligé de retourner en Hollande. sans espoir de réussir. Le titre de baron de l’Empire et un fief dans l’ile d’Ameland furent les seules faveurs que l’Empereur lui accorda publiquement. On répandit que, dans ce voyage, il s’était plus occupé des intérêts de la cour de Vienne que de ceux de sa patrie ; les états le traduisirent devant une commission ; mais le résultat de cette enquête fut tout entier en sa fa-