Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 1.djvu/331

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
315
ALB

de la capitale, et permit à ses soldats d’en saccager les faubourgs et les environs, avec leur violence et leur rapacité accoutumées. Philippe, indigne, fit rechercher la conduite de son général, qu’on accusait d’avoir détourné à son profit les richesses des vaincus : « Je n’en dois compte qu’au roi, dit le « duc d’Albe ; et, s’il me le demande, je ferai « entrer dans ce compte des royaumes conservés, « des victoires signalés, des siéges difficiles, et « soixante ans de service. Philippe craignit une « sédition dans l’armée, et fit cesser les recherches. Le duc ne vécut point assez pour jouir des honneurs et des récompenses qu’il avait mérités par ce dernier exploit ; il mourut le 12 janvier 1582 à 74 ans, ayant horreur, dit-on, du sang qu’il avait fait répandre. Il fut, sans aucun doute, le plus habile général de son siècle, et c’est surtout dans les opérations lentes et savantes, dans la partie de la guerre la plus difficile, qu’il excelle. Sa campagne contre le prince d’Orange, en 1568, est, dans ce genre, un des plus beaux exemples que les militaires puissent suivre. Si on le pressait d’attaquer, il répétait sa maxime favorite : « De tous les événements, « le plus incertain, c’est la victoire. » Ses actions et ses paroles donnent une idée si complète de son caractère, qu’il serait inutile d’y rien ajouter, et de rapporter le portrait que Raynal en a tracé dans son Histoire du Statoudhérat. Il suffira de dire qu’il avait le maintien et la démarche grave ; l’air noble et le corps robuste ; qu’il dormait peu, travaillait et écrivait beaucoup ; que sa jeunesse fut raisonnable, et que ce fut dans le tumulte même des camps qu’il sa forma à la politique. On prétend que, dans soixante ans de guerre contre différents ennemis, jamais il n’a été battu, ni surpris, ni prévenu. Sa vie a été publiée à Paris, 1698, 2 vol. in-12. On a imprimé à Amsterdam, en 1620, un Miroir de la tyrannie des Espagnols, perpétrée au Payx-Bas par le duc d’Albe, in-4o, fig. Jacob Marcus a publie à Amsterdam, en 1735, un volume in-8o, intitulé : Sentences et assignations du duc d’Albe dans son conseil de sang. B-p.


ALBENAS (Jean Poldo d’), naquit en 1512, à Nîmes, et non en Vivarais, comme l’a dit Castel dans ses Mémoires sur le Languedoc. Sa famille était noble ; mais elle fut moins distinguée par cet avantage que par les lumières de Poldo, et de Jacques d’Albenas, son père. Les parents de Poldo l’avaient destiné au bareau, et il se mit de bonne heure en état d’y paraître avec éclat ; mais Nîmes étant devenue, en 1552, le siége d’un présidial, il y fut pourvu d’une charge de conseiller, qu’il exerce jusqu’à sa mort, avec distinction. Il cultiva les lettres et la jurisprudence. Son premier ouvrage fut une traduction française de l’écrit de St. Julien, archevêque de Tolède, intitulé : Prognosticorum, sive de origine mortis humanæ, de futuro sœculo, et de futuræ vitæ contemplatione, libri tres. Cette version obtint, lorsqu’elle parut, l’estime des savants ; elle fut bientôt suivie de celle de l’Histoire des Taborites (hérétiques de Bohême), écrite en latin par Æneas-Sylvius, avant qu’il devint pape sous le nom de Pie II. D’Albenas publia ensuite un Discours historial de l’antique et illustre cité de Nismes, Lyon, 1560, in-fol., avec des planches gravés sur bois, où les mesures et les règles de la perspective ne sont pas toujours observées, mais qui donnent cependant, des monuments qu’elle a représentent, une idée plus vraie qu’on ne devrait s’y attendre d’après l’état d’imperfection où se trouvait alors ce genre de gravure. Ce livre, composé au milieu du 16e siècle, ne brille pas par le mérite du style ; on y trouve souvent une érudition confuse et hors de propos : c’était le défaut du temps ; mais cette production n’en est pas moins un monument curieux du profond savoir de l’auteur, et un riche dépôt d’observations et de recherches utiles. D’Albenas fut un des premiers à professer les principes de la réforme, et son exemple ne contribua pas peu à leur propagation. À sa mort, arrivée en 1565, la plupart des habitants de Nîmes et des environs étaient déjà calvinistes. V. S-L.


ALBENAS (J.-Joseph, vicomte d’), né à Sommières, près Nîmes, en 1760, fut officier au régiment de Touraine, et fit en cette qualité la guerre de l’indépendance américaine. Il était retire du service à l’époque de la révolution, dont il adopta les principes ; il fut promu à diverses fonctions publiques, et nommé, en 1805, conseiller de la préfecture du Gard. Il est mort à Paris en 1824. On a de lui : 1o Essai historique et poétique de la gloire et des travaux de Napoléon Ier, depuis le 18 brumaire an 8 jusqu’à la paix de Tilsitt, Paris, 1808, in-8o ; 2o Dénonciation formelle, spéciale, relative aux maisons de jeu, Paris, 1814, in-8o de 16 pages ; 3o Fragments poétiques sur la révolution française, dédiés au roi, Paris, 1813, in-8o de 4 pages ; réimprimés en 1822, Paris, in-8o de 8 pages, sous le titre d’Épitre à la chambre des députés, contenant un précis épisodique de la révolution française jusqu’aux cent jours ; 4o Dissertation sur les indemnités, ou restitution à faire aux émigrés sans porter atteinte à la charte, et sans aggraver le poids de la dette publique, etc., Paris, 1818, in-8o de 24 pages. ─ Son fils aîné, M. le liutenant-colonel d’Albenas, est l’auteur des Éphémérides militaires depuis 1792 jusqu’en 1815, par une société de gens de lettres et de militaires, Paris, 1818-1820, 12 vol. in-8o. Z.


ALBER (Érasme), né, selon les uns, dans la Wétéravie, selon les autres, dans un petit village près de Francfort-sur-le-Mein, fit ses études de théologie à Wittenberg, et devint un des plus zélés partisans de Luther, qui conçut pour lui une véritable amitié. Il fut quelque temps prédicateur de l’électeur de Brandebourg, Joachim II ; mais, s’étant élevé contre les impôts que prince faisait payer au clergé de son électorat, déjà très-pauvre, il perdit sa place. Appelé successivement à divers emplois, dans des lieux différents, il en fut dépouillé par les protestants eux-mêmes ; mais alors de tels renvois n’étaient pu une honte : un théologien se rendait dans une ville, y prêchait quelque temps, et la quittait bientôt pour aller prêcher ailleurs, sans que sa réputation en re-