Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 1.djvu/469

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
453
ALE

ne se borna point à cette mesure, qui semblait suffisante pour assurer le succès de ses grands desseins : sa justice eut presque toujours le caractère de la vengeance. Les confidents et les amis de son fils, ceux qui l’avaient suivi dans sa fuite, ceux qu’il soupçonné d’avoir entretenu le jeune prince dans ses idées et dans ses espérances, périrent sur la roue. Eudoxie, sa mère, fut enfermée dans un monastère près du lac Ladoga, et la princesse Marie, sœur de Pierre, dans la forteresse de Schlusselbourg. Le czarowitz lui-même fut condamné a mort, comme coupable du crime de lèse-majesté. Pour donner à cet arrêt barbare une apparence d’équité, on força le malheureux Alexis d’écrire, de sa main, « que s’il y avait eu dans l’empire des révoltés puissants qui l’eussent appelé, il se serait mis à leur tête. » Cette étrange déclaration fut admise comme preuve dans un procès criminel, et la seule supposition d’un cas qui n’était point arrivé fut jugée un attentat digne du dernier supplice, dans le fils d’un empereur. Son arrêt et sa grâce, qui lui furent annoncés presque en même temps, lui causèrent une révolution si violente, qu’il mourut le jour suivant[1]. Le czar manda à ses ministres dans les cours étrangères que son fils était mort d’une apoplexie causée par le saisissement qu’il avait éprouvé. Quelques personnes prétendent que le czar dit au chirurgien qui fut appelé pour saigner le prince : « Comme la révolution a été terrible, ouvrez les quatre veines. » Ainsi le remède serait devenu l’exécution de l’arrêt. Le corps du czarowitz fut exposé, a visage découvert, pendant quatre jours, à tous les regards, ensuite inhumé dans la citadelle de Pétersbourg, en présence de Pierre et de l’impératrice Catherine Ier. Cet événement tragique se passa en 1718. Alexis était alors âgé de 25 ans. Sa mort a fourni le sujet d’une tragédie à Carrion de Nisas. E-d.


ALEXIS, poëte comique, occupe, avec Antiphane de Rhodes, le premier rang parmi les auteurs de l’ancienne comédie. Né à Thurium, ville fondée dans la Lucanie par les Athéniens, il vint dés sa jeunesse à Athènes, où ses comédies furent jouées avec succès. Ce poëte florissait du temps d’Alexandre, vers l’an 363 avant J.-C. Plutarque rapporte qu’il fut couronné sur le théâtre, et qu’il parvint à un âge très-avancé. Alexis, selon Suidas, fut le maître de Ménandre. Athénée lui donne l’épithète de gracieux. Il produisit fréquemment sur la scène le caractère du parasite, type qu’il n’avait pas inventé, mais qu’il peignit avec plus d’art et sous des traits plus vifs et mieux finis que ses devanciers. S’il faut en croire Suidas, Alexis aurait composé deux cent quarante-cinq comédies. Meursius a recueilli dans les livres des anciens les titres de cent treize, que l’on trouve dans la Bibliothèque grecque de Fabricius. De tant d’ouvrages, il ne nous reste que des fragments très courts. On en fit quelques-uns dans les Sentences des quarante-deux comiques, en grec et en latin, édités par Guill. Morellius. Ils se trouvent en plus grand nombre dans la collection d’Hertelius, dans les Excerpia de Grotius, et dans le recueil de Crispinus, intitulé : Vetustissimorum authorum græcorum georgica, bucolica et gnomica Poemata, etc., 1570, in-16. ─ Un autre Alexis, de Tarente, écrivit un traité de la tempérance — Un troisième, statuaire de l’école de Polyclète, et natif de Sicyone, florissait dans le 5e siècle avant J.-C. — un quatrième, secrétaire de Pomp. Atticus, est mentionné dans les lettres de Cicéron. ─ Enfin, un autre Alexis, esclave d’Asinius Pollion, fut aimé et chanté par Virgile. C. W-r.


ALEXIS (Guillaume), surnommé le bon Moine, fut d’abord religieux bénédictin de l’abbaye de Lyre, dans le diocèse d’Évreux, sa patrie, ensuite prieur de Bussy ou Buzi, dans le Perche. On ignore les dates de sa naissance et de sa mort ; mais on est certain qu’il vivait encore en 1505. Partageant son temps entre les exercices de piété et le culte des muses, ce religieux a composé plusieurs ouvrages en vers et en prose, qu’on lit peu a présent, mais dans lesquels on trouve de la grâce et de la naïveté ; les plus estimés et les plus connus, sont : 1° le Grant Blason des faulces Amours, Paris, 1495, in-4o, souvent réimprimé depuis : on le trouve encore à la suite des éditions des Quinze Joyes de mariage, la Haye, 1726 et 1734, avec des commentaires, par Jacob le Duchat. Le même éditeur a aussi orné le Poëme du Moine de Lyre, d’une préface, composée avec les remarques que la Monnoie lui avait communiquées. 2° Le Passe-temps de tout homme et de toute femme, avec l’A B C des doubles, le tout en vers, Paris, in-4o, sans date, réimprimé plusieurs fois. Ce titre semblerait annoncer de la gaieté et un poëme amusant ; c’est pourtant un ouvrage très-sérieux, et une traduction libre d’un écrit latin en trois livres (de Vilitate humamæ conditionis), attribué au pape Innocent III ; l’auteur n’y parle que des mépris du monde, et des misères humaines. Alexis nous apprend lui-même qu’il l’acheva en 1480 ; il parait que, peu de temps après la publication de cet ouvrage, Guillaume Alexis entreprit un voyages Jérusalem, et qu’il y était en 1486. Ce fut à la prière des personnes qui l’avaient accompagné qu’il composa, dans cette ville, le Dialogue du Crucifix et du Pèlerin, Paris et Rouen, in-4o, sans date ; ouvrage moral, dans lequel il y a beaucoup moins de prose que de vers. C’est à tort que l’auteur du Contre-Blason des faulces Amours, poème attribué sans fondement À Guillaume Alexis, a dit que ce religieux avait été mis a mort par les infidèles à Jérusalem. Il est certain qu’il revint en France, et qu’il publia encore plusieurs autres ouvrages, sur les titres et les dates desquels on peut consulter les Bibliothèques françaises de la Croix du Maine, de du Verdier et de l’abbé, Goujet. Toutes les productions de ce moine sont avouées par la décence, et il n’a jamais perdu de vue les obligaions de son état, chose digne de remarque dans

  1. C’est ainsi que la mort du malheureux Alexis fut expliqué dans une relation officielle envoyée à tous les agents diplomatiques dans l’étranger ; mais il n’est que trop vrai qu’il eut tête tranchée par ordre, et même, si l’on en croit quelques historiens, par la main de son père. (Voy. Pierre Ier), et l’ouvrage allemand intitulé Favorie russes.