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en faveur de cette dernière puissance ; mais il s’en détacha peu à peu, pour s’agrandir du côté de la Galice et de l’Estramadure. Il avait pris Elvas, et assiégeait Badajoz, lorsqu’assiégé à son tour par Ferdinand, roi de Léon, et désespérant de pouvoir se défendre, il entreprit de se faire jour, l’épée a la main, dans une sortie ; mais il tomba de cheval, se cassa la jambe, fut pris et conduit à Ferdinand, qui le traita assez bien, mais ne lui rendit la liberté qu’après avoir obtenu la restitution de tout ce qui avait été conquis dans le royaume de Léon et dans la Galice. Alphonse avait quatre-vingts ans lors de ce revers de fortunes : accablé de vieillesse et épuisé par ses travaux, on le vit encore délivrer son fils, Sanche, assiégé par les Maures dans Santarem : ce fut son dernier exploit. Il mourut en 1185, dans si 91e année, après 73 ans de règne, regardé comme le fondateur de la monarchie portugaise, et le législateur de sa nation. Ce prince, dont l’ambition empoisonna les derniers moments, était d’une taille extraordinaire, n’ayant pas moins de sept pieds de haut ; il avait le visage long, les yeux grands et noirs, pleins de feu, et les cheveux blonds : on voit encore, à Guimaraens, son armure, exposée à la vénération du peuple. Il fut enterré à Coimbre, qui était alors la capitale du Portugal ; Sanche, son fils, lui succéda. Il avait institué deux ordres militaires : celui d’Avis fut créé dans une assemblée des états, en 1162, et il eut pour premier grand maître l’un des fils d’Alphonse. B-p.


ALPHONSE II, dit le Gros, roi de Portugal, né en 1183, succéda, en 1211, à son père, Sanche Ier. l’enfance de ce prince fut languissante et faible ; mais son tempérament s’étant fortifié avec l’âge, il devint vif, ardent, et manifesta des passions violentes. Son père, ne voulant pas que dona Thérésa et dona Sancha, ses filles, fussent dans la dépendance de leur frère, leur avait laissé un apanage considérable ; mais Alphonse, à son avènement, prétendit que son père n’avait pu démembrer de la couronne les places dont il avait transféré le domaine à ses sœurs. Les deux infantes implorèrent le secours du roi de Léon et la protection du pape. Le roi de Léon entra en Portugal avec une armée en 1212, et battit Alphonse II, qui, frappé en même temps par les foudres de l’Église, se vit contraint de souscrire à la cession des places que Sanche Ier avait données à ses filles. Plus heureux dans la guerre contre les Maures, le roi de Portugal remporta, en 1217, à Alcaçardosal, une grande victoire, à l’aide d’une armée de croisés allemands et hollandais, que les vents avaient obligés de relâcher à Lisbonne. Attaqué ensuite dans ses États par les rois musulmans de Jaèn et de Séville, il les battit en 1220, et défit, l’année suivante, le roi maure de Badajoz. Cette guerre, marquée par des succès, devint pourtant nuisible aux intérêts d’Alphonse, par les démêlés auxquels elle donna lieu entre ce prince et le clergé de ses États. Le roi, jugeant que ses sujets laïques ne devaient pas supporter seuls les frais d’une guerre entreprise en faveur de la religion, taxa les ecclésiastiques, dont les richesses étaient alors immenses ; mais le clergé refusa de s’y soumettre, et, l’archevêque de Brague ayant excommunié les officiers chargés de lever les taxes, Alphonse saisit ses revenus, et le fit sortir de ses États. Le pape envoya en Portugal des commissaires, qui excommunièrent Alphonse, et mirent son royaume en interdit. Fatigué de cette lutte, ou peut-être effrayé des foudres pontificales, il entra en arrangement, et il négociait avec le pape, lorsque la mort le surprit, en 1223, à l’âge de 39 ans, après 12 ans de règne. Quoique jeune encore, il avait acquis un tel embonpoint, qu’à peine pouvait-il marcher et respirer. Les historiens le représentent généralement comme un prince farouche, violent, et oppresseur de ses sujets, opinion qu’il faut principalement attribuer à ses démêlés avec le clergé. Sa tyrannie ne consistait guère qu’à mettre des bornes à la puissance ecclésiastique, et il parait certain qu’il favorisa le peuple, et que ce fut à l’abri de sa popularité qu’il put braver longtemps les censures des papes, qui à la fin ébranlèrent son pouvoir, et arrêtèrent les progrès de ses armes contre les musulmans. Il fit rédiger un code de lois pour servir de règle aux juges, ce qui, dans ce siècle ou les limites du pouvoir n’étaient pas exactement tracées, fut regardé par la plupart des magistrats comme un attentat à leurs privilèges. Il ordonna que les sentences de mort ne reçussent leur exécution que vingt jours après avoir été rendues, « parce que, disait-il, la justice peut et toujours avoir son cours, au lieu que l’injustice ne peut être réparée. » Son fils lui succéda sous le nom de Sanche II. B-p.


ALPHONSE III, roi de Portugal, second fils d’Alphonse II, naquit à Coimbre le 5 mai 1210, et passa les premières années de sa vie à voyager. Il était à Boulogne-sur-Mer lorsqu’il apprit qu’un parti de grands seigneurs, mécontents de l’administration faible et pusillanime de son frère Sanche II, cherchait à le renverser du trône. S’étant aussitôt rendu en Portugal pour les seconder, il parvint à s’emparer de la régence, et, à la mort du roi, qui s’était réfugie en Castille, il se fit proclamer à sa place, en 1248. Il punit ceux qui avaient abusé de la faiblesse de son frère, dissipa les factions, fit des règlements utiles, et effaça la honte de son usurpation par une administration juste et réparatrice. Il fonda de nouvelles villes, en releva d’anciennes, fit fleurir ses États, et se fit chérir de ses sujets, en distribuant les châtiments et les récompenses avec une équité parfaite. La guerre nationale contre les musulmans occupa aussi ce prince au commencement de son règne ; il acheva de soumettre les Algarves, en 1251, et fut le premier roi de Portugal qui prit le titre de roi des Algarves. Avant d’occuper le trône, Alphonse, pendant son séjour dans les États de Mathilde, comtesse de Boulogne, avait épousé cette princesse ; dès qu’il fut roi, il la répudia pour cause de stérilité ; et, voulant s’allier à la cour de Castille pour s’en faire un appui, il épousa Béatrix de Gusman, fille naturelle d’Alphonse l’Astronome, et reçut en dot plusieurs villes. Il dépouilla sans peine les ordres militaires devenus trop puissants, et leur ôta plusieurs