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économie, tout culte extérieur devait être aboli. Il n’y aurait plus eu de sacrements ; la charité seule, ou la grâce, répandue dans les âmes, serait devenue le seul moyen nécessaire de salut. La conduite des disciples d’Amauri était aussi déréglée que leur doctrine était absurde. Sous le voile de la charité, tous. les crimes étaient justifiés, toutes les passions satisfaites, tous les scrupules dissipés. La plupart de ces erreurs, et de plusieurs autres qu’on leur attribue, n’avaient pas été soutenues par Amauri ; mais elles paraissaient être un développement de son système que les disciples auraient poussé plus loin que leur maître. Le quatrième concile de Latran jugea, par la suite, que cette doctrine était plutôt insensée qu’hérétique ; mais la chose fut traitée plus sérieusement dans le temps où ces extravagants débitaient leurs paradoxes. Amauri fut d’abord condamné, en 1204, par les docteurs de Paris, et leur censure fut confirmée par Innocent III, au tribunal duquel il en avait appelé. Obligé de se rétracter, sans changer pour cela de sentiment, il alla se confiner à St-Martin-des-Champs, où il mourut de dépit et de chagrin. Ses disciples comparurent, en 1210, devant un concile de Paris ; on épargna les moins coupables. quelques-uns furent enfermés. Les chefs, livres au bras séculier, périrent dans les flammes. On enveloppa les livres d’Aristote dans la même proscription ; un décret de 1209 ordonna qu’ils seraient saisis et jetés au feu : avec défense, sous peine d’excommunication, de les lire ou de les copier de nouveau. La mémoire d’Amauri fut également condamner, et ses ossements arrachés de leur sépulture, pour être jetés à la voirie. T-d.


AMAURY Ier, roi de Jérusalem, succéda à son frère Baudouin III, et fut couronné dans l’église du St-Sépulcre, le 18 février de l’année 1165, à l’âge de vingt-sept ans. Doué d’un génie actif et entreprenant, il avait des vues grandes et souvent gigantesques, pour le chef d’un petit état. Vain et fier, il tenait pour le moins autant à l’argent qu’à la gloire, et croyait qu’en politique, tous les moyens sont bons pour arriver à son but. Dès les premiers jours de son règne, il eut une guerre à soutenir contre le calife d’Égypte, qui s’était engagé à payer un tribut aux rois de Jérusalem, et qui, pour s’en délivrer, envoya une armée contre la Palestine. Les hostilités étaient déjà commencées, lorsque des troubles s’élevèrent en Égypte, et forcèrent le calife à rappeler ses troupes, à demander la paix, et même à solliciter l’alliance d’Amaury contre Nour-Eddyn, sultan d’Alep, qui avait envoyé un de ses lieutenants sur les bords du Nil, pour appuyer le parti des mécontents, et profiter des dissensions, afin d’agrandir ses États. Amaury, s’étant rendu aux désirs du calife, qui lui accorda des subsides considérables, entra avec une armée en Égypte, où il battit plusieurs fois les troupes du sultan : il revint ensuite dans son royaume, chargé de présents, et comblé de richesses et de gloire ; mais comme, dans cette expédition, il avait vu la prospérité de l’Égypte, la fertilité de son sol, sa nombreuse population, et la faiblesse de son gouvernement, il forma le projet d’en faire la conquête, et n’eut pas de peine à y faire entrer le grand maître des chevalier de St-Jean, à qui il promit de céder la ville de Bilbéis, lorsqu’elle serait tombée au pouvoir des chrétiens. Il trouva aussi le moyen d’associer à son entreprise l’empereur de Constantinople, dont il avait épousé la nièce, après avoir répudie Agnès de Courtenay. Il s’occupa pendant plusieurs mois des préparatifs de cette guerre, et rompit tout à coup la paix, en assiégeant Bilbéis, qui ne tarda pas à se rendre, et fut remise à l’ordre de St-Jean de Jérusalem. Amaury marcha ensuite vers le Caire, où l’avait déjà devancé la terreur de ses armes. Le calife et, son vizir invoquèrent en-vain la foi des traités ; ils proposèrent d’acheter la retraite des chrétiens par des sommes considérables. Amaury, toujours disposé à vendre la paix et la guerre, consentit alors à écouter les prières du calife, et les hostilités firent place aux négociations Pendant ce temps, le calife implora le secours du sultan d’Alep, qui envoya une puissante armée en Égypte, pour combattre les chrétiens. Au moment où Amaury se croyait déjà possesseur des trésors du Caire, il fut obligé d’abandonner ses conquêtes, et revint dans son royaume, avec la honte qui suit toujours l’injustice, quand elle n’est pas couronnée par le succès. Cette guerre fut d’autant plus malheureuse pour les-chrétiens, que Nour-Eddyn, qui avait, comme Amaury, le projet de s’emparer de l’Égypte, ne laissa pas échapper cette occasion. Ce royaume, troublé au dedans et menacé au debout, fut réuni aux vastes États du sultan d’Alep, et le petit royaume de Jérusalem se trouva environné et menacé de toutes parts par une puissance formidable ; pour comble de malheurs, il s’était élevé, au sein des troubles et des guerres qui désolèrent l’Égypte, un jeune héros, dont le nom devait être un jour redoutable aux chrétiens de la Palestine ; ce héros était Saladin, qui fut d’abord vizir, ou gouverneur de l’Égypte, et qui, après la mort de Nour-Eddyn, recueillit l’immense héritage du sultan d’Alep. Le premier usage qu’il fit de sa puissance fut d’attaquer le royaume de Jérusalem. Amaury, qui redoutai ’un si dangereux ennemi, implora les armes des chrétiens d’0çcident, et se rendit lui-même à Constantinople pour solliciter le secours des Grecs ; mais il n’obtint que des promesses, et il ne lui resta plus alors que son courage et ses propres forces, pour arrêter les progrès d’un ennemi dont il avait préparé la puissance. Son royaume était agité par les factions des templiers et des hospitaliers, et les colonies chrétiennes en Asie marchaient rapidement à leur décadence. Amaury mourut en 1173, avant de voir éclater les catastrophes dont Jérusalem était menacé, et laissa ce triste héritage à son fils Baudouin IV. M-d.


AMAURY II, de Lusignan, roi de Chypre, succéda à Gui, son frère. À la mort de Henri, comte de Champagne, qui avait été reconnu roi de Jérusalem, Amaury épousa sa veuve, Isabelle, qui avait déjà contracté trois mariages, et donné à trois époux des titres pour un royaume presque tout entier conquis par les Sarrasins. Amaury recueillit