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Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 1.djvu/720

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ANG

Statera moruum ; 6° de modio animarque Statu, etc. X-s.


ANGO ou ANGOT, naquit à Dieppe à la fin du 15e siècle. Cet homme, que la fortune éleva su haut, était le fils unique d’un père peu riche, mais qui parait lui avoir donné une bonne éducation. La Normandie a, presque de tout temps, possédé des établissements littéraires, et Dieppe est une des villes de cette province où les lettres ont été le plus en honneur, et où l’activité de l’esprit a du gagner beaucoup aux entreprises et aux voyages hardis des navigateurs. Ango, fort jeune encore, suivit l’exemple de ses compatriotes : il alla en Afrique, et visita les côtes des grandes Indes, d’abord comme simple officier, un peu plus tard comme capitaine de vaisseau. Ces voyages et d’heureuses spéculations l’ayant enrichi, il quitta le rude métier de marin, devint armateur et se livra plus tranquillement à son goût pour les entreprises lointaines et les grandes affaires, tout en s’occupant des choses qui étaient le plus à sa proximité. Il prit à ferme générale les revenus de plusieurs seigneuries du pays, entre autres de la vicomté qui appartenait à l’archevêque de Rouen. C’était en 1520. Déjà il avait acheté la charge de contrôleur au grenier à sel. Son opulence et ses rapports avec l’archevêque lui donnèrent, disent les chroniqueurs du temps, des connaissances et des habitudes en cour, où il ne tarda pas à faire connaître son mérite. L’un des premiers usages qu’il fit de sa fortune, alors immense, fut de bâtir à Dieppe un hôtel magnifique, pour l’embellissement duquel la peinture et la sculpture rivalisèrent d’efforts. Toutes les décorations d’un luxe bien entendu y étaient prodiguées avec convenance et attestaient à la fois le bon goût et la richesse du propriétaire (cette habitation splendide fut détruite par le bombardement de 1694). À l’époque de l’un de ses voyages sur les côtes de Normandie, François Ier logea dans l’hôtel d’Ango, qui déjà avait excité l’admiration du cardinal Barberini. Ango se chargea seul de la réception du monarque : il multiplia les décorations les plus élégantes, les arcs de triomphe, les riches tapisseries, les tableaux les plus propres à flatter le monarque. Les tables furent couvertes de vaisselle d’argent ciselé, et des mets les plus recherchés comme des vins les plus rares. Peu de princes alors eussent pu tenir un tel état de maison. Le roi ayant témoigné le désir de se promener sur la mer, Ango fit préparer et mit à sa disposition six nefs légères éclatantes d’or et de sculptures. Pour prix de sa magnifique réception, Ango reçut une nomination de gouverneur de la ville et château de Dieppe. La guerre ayant éclaté, ou plutôt la France étant toujours sous les armes pendant ce règne aussi désastreux que brillant, Ango augmenta l’activité de ses constructions navales, et se montra jaloux de justifier la bonne opinion que le roi avait de lui. Les Portugais avaient en pleine paix attaqué et pris un des vaisseaux de l’armateur dieppois ; il commença par tirer vengeance de cet acte déloyal, équipa dix-sept bâtiments, tant grands que petits, et fit bloquer le port de Lisbonne, pendant que les flottes portugaises étaient occupées dans les Indes. Parvenue à l’embouchure du Tage, l’escadre dieppoise s’empara d’une foule de petits bâtiments, opéra une descente, ravagea la côte, et, se portant rapidement d’une rive à l’autre, déjoua toutes les opérations militaires d’un ennemi qui étant loin de s’attendre à une telle activité. La rivalité entre les Dieppois et les Portugais venait de leurs expéditions dans l’Inde, où les derniers n’eurent l’avantage que parce que la France ne sut pas apprécier ou ne put seconder les entreprises des navigateurs normands. Ango ne cessa ses hostilités que lorsque le roi de Portugal eut envoyé un ambassadeur au roi de France, qui le renvoya a Dieppe pour qu’il s’abouchât avec l’auteur de l’expédition. On trouve dans les écrits du temps qu’Ango portait le titre de vicomte : c’était sans doute une nouvelle faveur de François Ier. Quoi qu’il en soit, il seconda de tous ses moyens les entreprises de ce monarque, et prit une grande part dans l’armement naval destiné contre l’Angleterre. Malheureusement la vanité gâtait les bonnes qualités qu’il avait reçues de la nature et de l’éducation : il avait des gardes armés, et devenait inaccessible ; il se fit ainsi de nombreux ennemis parmi ses concitoyens. Quelques-unes de ses spéculations n’ayant pas réussi, et le gouvernement n’ayant pas remboursé les prêts qu’il avait reçus d’Ango, cet armateur, naguère si opulent, fut obligé de quitter son bel hôtel et de se retirer à deux lieues de Dieppe, dans une maison de campagne qu’il avait fait construire avec magnificence. Ce fut là qu’il mourut de chagrin et presque ruiné, en 1551. Un de ses compatriotes le représente comme étant de moyenne taille, d’une humeur agréable et gaie, d’un esprit vif, d’un jugement sain ; ayant la barbe et les cheveux blonds, le teint vermeil, le nez aquilin, la tête grosse et le front large. D-b-s.


ANGOSCIOLA, ou ANGUSSOLA (Sophonisbe), née en 1535, est morte à Gênes, vers 1620. Cette femme célèbre était d’une famille noble de Crémone. Ses parents, voyant qu’elle avait une vocation déterminée pour la peinture, lui firent apprendre l’art du dessin. Vasari dit que son maître fut Jules Campi, mort en 1572 ; Alexandre Lami a rectifié cette erreur : Sophonisbe fut élève de Bernardin Gatti, mort en 1575, qui lui donnait des leçons, comme les plus grands peintres en donnent souvent à des amateurs. Elle fit des progrès rapides, et fut bientôt en état d’être elle-même le maître de ses trois sœurs, Europe, Anne et Lucie. On aimait beaucoup ses dessins, dont un représente une vieille apprenant à lire, tandis qu’une jeune fille, cachée derrière un rideau, se moque d’elle. Elle fit ensuite le portrait de son père. placé entre ses deux enfants, Asdrubal et Minerve. Le duc d’Albe, ayant eu connaissance de la réputation de Sophonisbe, en informa Philippe II, qui l’invita à venir en Espagne. Dès ce moment, elle se décida a suivre tout à fait la carrière de la peinture. Elle fit à Madrid le portrait du roi et de la reine, et reçut une pension de 200 piastres. L’infant don Carlos voulut aussi avoir son portrait de la main de Sophonisbe. Elle représenta ce prince vêtu de la peau d’un loup-cervier. Cette