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sborg, Éric marcha contre eux ; comme il passait par le duché du Jutland méridional, Abel, qui avait formé le plus horrible dessein, l’invite à un repas près de Sleswick, comme pour resserrer les nœuds de l’amitié : au repas succèdent des jeux et des fêtes ; les deux frères se mettent à jouer aux échecs, jeu favori des Scandinaves. Tout à coup Abel dit au roi, son frère : « Te souvient-il quand tu livrais au pillage la ville de Sleswick ? Te rappelles-tu avoir forcé ma fille à se sauver nu-pieds au milieu des filles du peuple » Éric répondit : « Soyez content, mon cher frère, j’ai, Dieu merci, de quoi lui payer ses souliers. — Non, réplique Abel, d’une voix de tonnerre, tu ne seras plus dans le cas de le faire. » Éric est aussitôt chargé de fers et jeté dans un bateau, sur la rivière de Sley, où il est livré à un Danois nommé Gudmundson, autrefois exilé par ses ordres, qui le décapita, et jeta son corps dans la rivière. Pour voiler son crime, Abel témoigna en public la plus vive douleur. Cet artifice réussit, et tout le Danemark crut Abel innocent du meurtre de son frère, meurtre découvert par le corps déchiré du roi que les vagues avaient jeté sur le rivage. D’ailleurs, six nobles holstenois affirmèrent par serment qu’Abel n’était point coupable de la mort de son frère, occasionnée, suivant ces faux témoins, par une chute accidentelle. Le malheureux Éric ne laissait pas d’enfants mâles, et les états de Danemark, pour ne point s’écarter de la coutume établie, élurent pour souverain, en 1250, le fratricide Abel. Ce prince obtint les suffrages de la nation, accordant aux états plus de pouvoir qu’ils n’en avaient eu sous les règnes précédents ; mais, ayant voulu maintenir une taxe extraordinaire établie par son frère, les Frisons se révoltèrent ; il marcha contre eux et les défit en 1252. Le lendemain de la bataille, les rebelles revinrent à la charge, attaquèrent le roi dans son camp, mirent son armée en déroute et le tuèrent. Aussi fourbe qu’inhumain, Abel avait eu l’art de cacher sa cruauté sous une apparence d’humanité. Son frère, Christophe Ier, lui succéda. M-B-n.


ABEL (Gaspard), prédicateur à Westdorf, dans la principauté d’Halberstadt, né à Hindenburg en 1676, mort à Westdorf, en 1765, fit ses études à l’université de Helmstædt, et fut successivement recteur a Osterburg et à Halbefstadt. C’était un savant antiquaire : ses Antiquités allemandes, saxonnes, hébraïques et grecques en sont la preuve. Outre ces grands ouvrages, il a écrit : Historia monarchiarum orbis antiqui (Leipsick, 1715, in-8o), et plusieurs dissertations et traités particuliers. Il était aussi poëte, et il a traduit en vers allemands les Héroîdes d’Ovide et les Satires de Boileau. G-t.


ABEL (Frédéric God), fils du précédent, médecin a Halberstadt, ou il naquit le 8 juillet 1714, et mourut le 25 novembre 1794. Après avoir reçu une éducation classique à Halberstadt et a Wolfenbuttel, il étudia dans la première de ces deux villes la théologie, sous Mosheim, en 1731, et, un an après, se rendit à Balle, on il assista aux discours publics de Wolf et de Baumgarten, et prêcha souvent avec beaucoup de succès. Malgré l’espérance bien fondée qu’il avait de remplacer, dans sa ville natale, le chef de l’école de St.-Jean, il quitta l’état ecclésiastique après quelques années, par la crainte de se priver de la faculté de professer librement ses opinions, et de se voir forcé de faire violence à l’extrême franchise et à la loyauté parfaite qui le distinguaient ; mais l’état qu’il embrassa lui offrit un écueil d’un autre genre. Quoique praticien zélé et heureux pendant près de cinquante ans, il n’avait aucune confiance dans les moyens de la médecine, et ne cessait de répéter que cette science manque tout à fait de principes solides ; que l’organisation humaine, comme il s’en était convaincu par la dissection d’un grand nombre de cadavres, variait tellement d’individu à individu, qu’on ne pouvait jamais être certain de l’effet des remèdes. On a de lui Dissertatio de stimulantium mechanica operandi ratione, et une traduction allemande de Juvénal en vers métriques, qui est plus remarquable par la fidélité que par l’élégance. Cette traduction avait été faite dans sa jeunesse, par le conseil de son ami Gleim ; il la retoucha peu d’années avant sa mort, et la publia en 1788. Il avait l’intention de corriger et de publier un autre traduction du Remedium amoris d’Ovide, composée également dans un âge peu avancé, et de s’essayer sur les satires de Perse ; mais l’âge et d’autres occupations l’en empêchèrent. Abel se maria en 1744, et laissa trois filles et deux fils, dont l’un, Jean Abel, médecin à Dusseldorf, s’est fait un nom comme écrivain. S-r.


ABEL (Charles-Frédéric), musicien célèbre, né à Coethen, en 1719, fut élève de Sébastien Bach, et, pendant près de dix ans, attaché à la troupe du roi de Pologne, à Dresde. Mais les malheurs de la guerre ayant réduit cette cour à une rigoureuse économie, il quitta Dresde en 1758, et parcourut successivement, dans un état voisin de la détresse, plusieurs des petites capitales de l’Allemagne ; enfin, l’année suivante, il arriva en Angleterre, ou il trouva bientôt a tirer parti de ses talents. Le duc d’York devint son protecteur, et lorsqu’on forma la troupe de la reine, il y fut compris avec des appointements de 200 livres sterling par an, et devint directeur de la chapelle de cette princesse. Abel était moins renommé pour la composition que pour l’exécution ; cependant ses morceaux furent très-répandus et souvent joués dans les fêtes publiques. Il passait pour le plus habile violon de son temps (viola da gamba). On a de lui vingt-sept œuvres gravées à Londres, et publiées, depuis 1760 jusqu’en 1784, en Angleterre, à Paris, à Berlin et à Amsterdam. Quoique d’un caractère irascible et emporté, il était bien vu dans la société. Son principal défaut était la passion du vin, qui probablement abrégea ses jours. Il mourut a Londres, le 22 juin 1787, à la suite d’une espèce de léthargie qui dura trois jours. G-t.


ABEL (chevalier D’), baron de Woelworth, et conseiller de légation du duc de Wurtemberg, fut nomme ministre plénipotentiaire pour conclure, entre ce prince et la république française, le traité de paix qui fut signé a Paris, le 7 août 1796 (20 thermi-