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il s’était encore arrogé le droit de choisir le pasteur qui pouvait convenir à chaque congrégation, ainsi que la congrégation qui convenait au pasteur ; ce qui était une gêne également désagréable aux uns et aux autres. Les églises de Colraine et d’Antrim, ayant eu besoin d’un ministre, désiraient toutes deux d’avoir Abernethy. Il aurait préféré Colraine, et le synode l’obligea d’aller à Antrim. Quelque temps après, ayant été invite à passer à Dublin, il refusa ; le synode décida qu’il serait forcé de s’y rendre ; mais ferme dans ses principes de républicanisme presbytérien, il se révolta ouvertement contre cette décision, qu’il regarda comme une injustice et un attentat à la liberté religieuse, et il se mit à écrire contre les usurpations de la juridiction ecclésiastique. D’autres sujets de dispute lui fournirent les occasions de soutenir et d’étendre cette controverse. De là sortirent un grand nombre d’écrits polémiques, qui divisèrent non-seulement les théologiens, mais encore tous les membres de la colonie presbytérienne : et ceux-ci s’échauffaient d’autant plus dans la querelle, qu’ils étaient moins éclairés sur les questions qui en étaient l’objet. Ainsi un homme qui avait des lumières et du zèle consomma à des travaux, pour le moins inutiles, des talents qui auraient pu être employés avec plus d’édification pour ses contemporains, et plus de fruit pour la postérité. Après une vie très-occupée et très-agitée, mais irréprochable et pure, il mourut en 1740. Les plus importants de ses ouvrages sont deux volumes de Sermons sur les Attributs divins, Londres. 1748. S-d.


ABERNETHY (Jean), célèbre médecin et chirurgien anglais, naquit, vers 1763, dans la ville d’Abernethy en Écosse, ou à Derby en Irlande, et reçut les premiers éléments de l’éducation à Londres, où ses parents étaient venus s’établir peu de temps après sa naissance. Au sortir de l’école, il fut confié aux soins de Blick, chirurgien en chef de l’hôpital de Saint-Barthélemy, qui se plut à cultiver ses heureuses dispositions. Plus tard, il devint élève de l’illustre Hunter, dont l’amitié le récompensa bientôt de son émulation et de son ardeur pour acquérir les connaissances qui devaient le placer à un rang si distingué. Ayant été nommé chirurgien en chef adjoint de l’hôpital de Saint-Barthélemy, il entreprit de faire des cours publics ; mais ses leçons furent peu suivies tant que vécut Marshall, professeur qui avait gagné la faveur des élèves par son élocution facile et l’agrément de ses manières, quoiqu’il n’eût rien fait pour la science, et que sa pratique n’offfrit rien de remarquable. Ce fut seulement après la mort de ce rival, et lorsqu’il eut remplacé son maître Blick, qu’on apprécia le mérite d’Abernethy, et qu’on recconnut en lui le meilleur professeur d’anatomie, de physiologie et de chirurgie de Londres. Personne, en effet, ne savait mieux développer et enseigner aux autres les idées originales et philosophiques qui naissaient naturellement en lui à l’examen des sujets dont il s’occupait, communiquer l’enthousiasme dont il était si vivement pénétré pour la science et pour l’humanité, animer et embellir les détails arides de l’instruction élémentaire. En lui confiant une chaire au collège royal des chirurgiens, on ne fit que céder au vœu de l’opinion publique, qui depuis longtemps le désignait pour remplir cette place. Fidèle aux principes de Hunter, Abernetly s’attache surtout a combattre le dogmatisme empirique, et à chercher dans l’étude approfondie de la nature les moyens de soulager et de guérir les maladies. Il fut le premier qui ébranla l’amas de théories confuses et incohérentes dont l’art se composait alors, et qui tenta de rallier la pathologie a la physiologie, qui rattacha les maladies à l’action des organes, troublée seulement dans son exercice, au lieu d’être régulière comme dans les fonctions normales. C’était à l’estomac qu’il les attribuait pour la plupart. « L’estomac est tout, disait-il ; nous en usons mal avec lui quand nous sommes jeunes, et il en use mal avec nous lorsque nous sommes vieux. » Voici comment un jour il expliqua d’une manière pittoresque ses idées à un malade qui le consultait pour une affection des yeux : « On vous a dit sans doute que j’étais un original. Afin de conserver le caractère qui m’est attribue, je vais me servir d’une comparaison qui vous paraitra singulière, mais qui est juste. La cuisine ; qui est l’estomac, étant en désordre, porte le trouble au grenier, qui est la tête, et toutes les chambres de la maison sont affectées. Réparez le dommage de la cuisine, et tout ira bien. C’est ce que vous pouvez faire par la diète. Si vous mettez dans votre estomac des aliments qu’il ne puisse supporter, les choses iront de mal en pis. Mais, allez-vous me demander, qu’a de commun cela avec mon œil ? Je vais vous le dire. L’anatomie nous apprend que la peau est une continuation de la membrane qui tapisse l’estomac. Vous-même vous pouvez vous convaincre que les tissus délicats de la bouche, dé lèvres, du nez, des yeux, ne sont pas autre chose. Les uns ont des boutons sur le visage ou sur d’autres parties du corps, les autres ont des nez monstrueux : tout cela vient de l’irritation des membranes de l’estomac, irritation qui se communique à leurs aboutissants Le régime seul peut remédier à ces désordres, car le médecin ne fait qu’aider la nature, et ne la force pas. Persévérez dans celui que je vous indique jusqu’au moment où vous en retirez le bénéfice, ce qui ne pourra manquer d’arriver. On me demande souvent pourquoi je ne fais pas ce que je prêche ; je réponds par l’exemple du curé et du poteau de la poste, qui indiquent le chemin, et ne le suivent jamais. » Ces opinions médicales, qui semblaient alors bien plus extraordinaires qu’elles ne le paraissent aujourd’hui, n’avaient cependant pas influé sur les idées philosophiques d’Abernethy, qui, plein d’admiration pour Hunter, admettait avec lui que la vie et l’intelligence sont indépendantes de l’organisation, quoique, par une singulière inconséquence, il fût partisan de la doctrine de Gall et de Spurzheim. Il eut même a ce sujet des discussions avec Lawrence, qui soutenait que le principe de la vie, soit sensitif, soit intelligent, est le même dans tous les êtres organisés, que les proprié-