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Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 10.djvu/11

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0 DAC sait-il, c’est elle qui est le père. » Bien loin de se prévaloir des avantages que ses connaissances lui donnaient sur les autres, madame Dacier évitait les conversations savantes, et ses amis même avaient de la peine à l’engager dans les discussions littéraires. Ceux qui ne la connaissaient pas, ne voyaient en elle qu’une femme ordinaire et qui gardait soigneusement les bienséances de son sexe. On cite d’elle plusieurs traits de modestie. Un seigneur allemand, très-instruit, la priait un jour de s’inscrire sur le livret où il recueillait les noms des personnages célèbres qu’il rencontrait dans ses voyages. Elle opposa une longue résistance, et, vaincue enfin par les instances réitérées du jeune voyageur, elle écrivit son nom, avec un vers de Sophocle, dont le sens est que « le silence est l’ornement des femmes. Souvent pressée de publier les remarques qu’elle avait faites sur quelques parties de l’Écriture sainte, elle répondait « qu’il convenait aux femmes de lire et de méditer l’Écriture, mais de garder sur ces matières le silence que leur recommande St. Paul. » L’Académie des Ricovrati de Padoue, lui donna en 1684 une place dans son sein, et la survivance de son époux à la place de bibliothécaire du roi qui lui avait été accordée ; distinction glorieuse, dont sa mort, arrivée le 17 août 1720, l’empêcha de jouir. Elle était âgée de 69 ans, et avait passé dans les souffrances les deux dernières années de sa vie. (voy. Charleval.) L’on a reproché à ce couple célèbre, de porter jusqu’au fanatisme le respect dû aux anciens ; et, il faut en convenir, le culte que leur avaient voué monsieur et madame Dacier n’était point exempt de superstition. Mais cet excès, qui d’ailleurs à son côté estimable, ne peut altérer en rien la reconnaissance que doivent tous les bons esprits aux travaux réunis de ces deux savants, et aux services qu’ils ont rendus aux lettres françaises, en les enrichissant, avec une si constante persévérance, de tant d’ouvrages précieux. On a fait beaucoup mieux depuis, sans doute ; mais ils n’en ont pas moins la gloire d’avoir ouvert et exploité les premiers cette mine si riche et si féconde des trésors de l’antiquité.

A—D—a.

DACIER (Bois-Josaen), secrétaire perpétuel de l’Académie des inscriptions et membre de l’Académie française, naquit le l" avril 1742 à Valogne en Normandie. Destiné par ses parents à l’état ecclésiastique, après avoir fait ses humanités au collège de sa ville natale, il vint à Paris, où il entra boursier au collège d’Harcourt, et joignit l’étude de la théologie à celle des lettres. Ses dispositions précoces l’ayant fait connaître des frères La Curne (voy. SAINTE-Palate), ils l’admirent au nombre des jeunes gens studieux dont ils s’aidaient dans leurs recherches et pour le classement des nombreux matériaux qu’ils avaient réunis, tant sur l’ancienne langue française que sur l’histoire de France. Dacier dut aux frères La Curne d’être en rapport avec Foncemagne, qui, devenu son protecteur le plus zélé, lui fit partager les exercices du

DAC duc de Chartres (1) dont il était le sous-gouver-Tl€1ll’, et l’introduisit dans les sociétés les plus distinguées oii il puisa cette fleur de politesse dont il resta toute sa vie un modèle accompli, mais en même temps aussi ce goût des plaisirs et de la dissipation qui l’empêcha d’attacher, comme il en était capable, son nom à des ouvrages de quelque étendue. Foncemagne, vent’et ayant eu le malheur de perdre son fils unique, concentra de plus en plus son affection sur Dacier ; il lui permit de renoncer à l’état ecclésiastique et le dédommagea des avantages que cet état aurait pu lui procurer. En 1772 Dacier publia la traduction des Histoires diverses d’Élien, que Formey avait déjà traduites en 176-1 (voy. Ennzzv) ; et l’estime qu’elle obtint dès le moment de sa publication lui prouva qu’il ai ait en raison de ne pas se laisser effrayer par la concurrence du traducteur de Berlin. Ce travail, qui fait autant d’honneur à son goûtqu’à son érudition, n’aurait cependant pas snfli pour lui ouvrir les portes de l’Académie des kiscriptions, si Foncemagne eût eu moins de crédit dans cette compagnie. Il y fut admis en 1772 ; et deux ans après il succéda dans la place de garde des chartes à Lebrun, le traducteur de l’Ilz’ade et de la Jérusalem délivrée (voy. Lesncs). Depuis son admission à l’Académie, il se livrait aux recherches historiques, et pour se délasser, il traduisit la Cyropédie de Xénophon, qu’il fit paraitre en 1777. À cette époque, Dacier s’occupait déjà de préparer une nouvelle édition des Chroniques de Froissard ; et l’on ne saurait trop regretter que les circonstances ne lui aient pas permis d’achever une tâche que personne n’était capable de mieux remplir. Le secrétaire perpétuel de l’Académie, Dupuy (voy. ce nom), ayant donné sa démission en 1782, Dacier fut choisi pour le remplacer. Comprenant toute l’impo1·tance de ses nouvelles fonctions, il s’y dévoua tout entie1·, et n’eut plus dans ses travaux d’autre butque la gloire et les intérêts de l’Académie, avec laquelle il s’était pour ainsi dire identifié. C’est à ses constantes démarches qu’elle fut redevable de l’augmentation du nombre des pensionnaires et du fonds des jetons ; de la création d’une classe d’académiciens libres ; de l’établissement d’un comité, chargé de dépouiller les nombreux manuscrits de la bibliothèque du roi, et d’en publier des notices ou des eœtraits (2) ; et, enfm d’un nouveau règlement qui, sans rien altérer dans l’essentiel de la constitution primitive de l’Académie, était plus en rapport a~ ec les changements ar1·ivés dans les mœurs depuis Louis XIV. Plusieurs mémoires lus dans des séances publiques, et où l’élégance du style était jointe à l’étendue et à l’exactitude des recherches, ajoutaient presque chaque année à. la considération dont jouissait Dacier. En 1784 il fut pourvu de la charge d’historiographe des ordres réunis de St-Laza1·e, de Jérusalem et du Mont-Carmel, dont Mon(1) Père du roi Louis-Philippe. (2 ; Il ai déjà paru de cette collection 42 volumes in-tv.