Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 10.djvu/532

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entière des deux parts, et enfin les Européens voyageant à l’intérieur devaient être munis d’un passe-port visé par le représentant de l’émir à Oran, et signé par le général français. Ces clauses évidemment étaient une convention de souverain à souverain. L’autorité d’Abd-el-Kader était constatée, reconnue, proclamée par la France, non-seulement sur le territoire disputé, mais encore sur celui qu’occupaient les Français, car par la stipulation garantissant le respect de la religion et des usages musulmans, Abd-el-Kader se trouvait virtuellement investi d’un droit de protection religieuse jusque sur le territoire dominé par nos armes, jusque sur nos propres sujets. — À côté de ce traité public, il s’en trouvait un autre qui nous enlevait les avantages si chèrement achetés que nous avions acquis par tant de concessions ; celui-là était secret. Il dérogeait au traité public, en ce qu’il accordait in l’émir, au lieu de la liberté de commerce que l’on garantissait, le monopole du commerce de la province. L’article 2 de ce traité secret contenait que les cargaisons ne pourraient pas se faire ailleurs que dans le port d’Arzev ; que le commerce de ce port serait sous le gouvernement du prince des croyants. C’était ainsi qu’on désignait Abd-el-Kader, appelé le Pâtre, fils de Pâtre, par ses propres coreligionnaires. Une autre stipulation, plus affligeante peut-être pour notre honneur, non-seulement obligeait les Français à livrer in Abd-el-Kader les déserteurs arabes, mais encore à les faire enchaîner. Abd-el-Kader avait en outre le droit de faire acheter chez nous le plomb, la poudre et le soufre, enfin tout ce qui concernait la guerre. Ce traité secret nié par le ministère français, non avoué par le général Desmichels, ne tarda pas à être connu, par suite des difficultés que soulevèrent ses contradictions avec le traité officiel. Après la conclusion de cette paix, des négociants français voulurent établir des comptoirs in Arzew ; Abd-el-Kader s’y opposa. Des plaintes furent portées au général Desmichels qui ne put y répondre que par des temporisations et des faux-fuyants. L’existence du traité secret était probablement le motif de ces tergiversations. — Cependant les rivaux d’Abd-el-Kader n’acceptèrent pas sa nouvelle dignité et sa puissance improvisée avec la résignation que nous avions montrée. Une révolte des chefs les plus importants des tribus, dirigée par Mustapha Ben-Ismaël, depuis le plus brave et le plus fidèle allié de la France, le mit à deux doigts de sa perte. Celui-ci avait surpris son rival, dispersé ses troupes, et l’avait fait presque prisonnier, lorsqu’avec ses confédérés il sollicita l’appui et l’alliance de la France. Desmichels, au lieu de saisir cette occasion, sortit en effet d’oran avec ses troupes, mais ce fut pour se ranger du côté d’Abd-el-Kader, qui dès lors n’eut plus qu’à se présenter pour mettre sans combat ses ennemis en fuite. Cette diplomatie, cette politique peu concevables furent loin de satisfaire le général Voirol, qui commandait alors l’armée d’Afrique. Il ne cacha pas son mécontentement et demanda des explications au général Desmichels ; il fut rappelé et remplacé par le général Drouet d’Erlon (22 juillet 1834), qui le premier eut le titre de gouverneur général de l’Algérie (voy. ce nom). Encouragé par la chute de tout ce qui semblait s’opposer à lui, Abd-el-Kader ne sut plus contenir son ambition. Sa domination s’étendait sans rivale sur toute la province d’Oran, depuis la frontière du Maroc jusqu’aux bords du Cheliff. Bientôt il tenta de s’étendre au delà de cette rivière et manifesta l’intention de la passer sous prétexte de régler l’impôt qu’il prétendait tirer des tribus de la province d’Alger. En apprenant cette nouvelle, le général Drouet d’Erlon intima à Abd-el-Kader l’ordre de rester dans ses limites s’il ne voulait être repoussé par la force. En même temps les plaintes des négociants français devinrent plus vives contre le monopole exercé par l’émir sur le commerce de la province d’Oran ; et sur les explications qui lui furent demandées par le gouverneur général de l’Algérie, Abd-el-Kader lui communiqua le traité passé avec le général Desmichels. Le comte Drouet d’Erlon, ne pouvant comprendre l’existence de stipulations qu’il ne connaissait pas et que semblait ignorer également le gouvernement français, réclama et obtint le rappel de Desmichels, immédiatement remplacé par le général Trezel. Quand en France on connut le traité Desmichels tout entier, la surprise fut profonde Le gouvernement en avait accepté et sanctionné la première partie ; quant à la seconde, un se demanda comment elle avait pu être signée et surtout exécutée. Après des revers signalés Abd-el-Kader avait dicté des conditions en vainqueur et en roi. En présence de ces impressions, le gouvernement désavoua le traité secret, mais il est bien difficile de penser qu’un général dans une position secondaire ait pu prendre sous sa responsabilité personnelle de traiter, et cela secrètement, à des conditions telles que celles que nous venons d’exposer. — Rentré en France, le général Desmichels, au lieu d’une disgrâce, n’y trouva que des faveurs. Trois mois après son rappel il fut promu lieutenant général, puis le 6 juin 1835 nommé inspecteur général de cavalerie, fonctions qu’il a remplies jusqu’à sa mort qui eut lieu à Paris le 7 juin 1845. — Le baron Desmichels était commandeur de l’ordre de la Légion d’honneur, chevalier de St-Louis et de la Couronne de fer. E. D-s.


DESMOLETS (Pierre-Nicolas), prêtre de l’Oratoire et bibliothécaire de la maison de Paris, naquit dans cette ville, vers la fin de 1678. Il fit, avec distinction, ses humanités à Senlis, puis son cours de philosophie au collége Mazarin, et se consacra ensuite à l’étude de la théologie au séminaire de St-Magloire. Bientôt il résolut de renoncer au monde pour s’attacher à la congrégation de l’Oratoire, et en prit l’habit le 2 septembre 1701. Son assiduité aux exercices de la maison, sa rare modestie, sa complaisance et son affabilité, que rien