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l’entomologie et la botanique était dû au zèle infatigable du savant marin dont nous esquissons la vie. Il avait exploré dans ses laborieuses herborisations les plages désertes de la baie de la Soledad et les pittoresques vallées de Taïti, l’archipel des Carolines, la Nouvelle-Hollande dont il décrivit les flores ; sans négliger l’histoire de l’homme, car il étudia en même temps les tribus sauvages de l’Océanie, dont les mœurs et le langage fournirent un nouvel aliment à ses observations. Les flores de Taïti et d’Oualan, dont d’Urville avait réuni les matériaux, sont restées inédites ; mais celle des îles Malouines a été publiée dans les Mémoires de la société linnéenne, ainsi que dans les Mémoires de l’Académie des sciences. Tout en reconnaissant la richesse des acquisitions faites durant la campagne de la Coquille, d’Urville pensa qu’on n’avait pas fait une assez large part à la géographie et qu’elle avait été trop sacrifiée à des recherches dont l’importance pour lui n’était que secondaire. Il dressa en conséquence le plan d’un autre voyage dans lequel il démontrait qu’en rendant une expédition aussi profitable que possible aux progrés des sciences naturelles, on pouvait lui conserver son principal caractère, qui est d’enrichir la géographie de nouvelles découvertes, d’agrandir le domaine de l’hydrographie, de rendre moins dangereuse la navigation des mers lointaines, d’offrir de nouveaux débouchés à l’industrie, de préparer enfin les voies à la colonisation. Le projet ayant été adopté par le gouvernement, d’Urville reçut au mois de décembre 1825 sa lettre de commandement, avec l’autorisation de choisir sans aucune restriction toutes les personnes destinées à faire partie de l’expédition[1]. Avant de partir, le gouvernement ayant recueilli quelques indications sur le naufrage de l’infortuné La Pérouse, d’Urville fut invité à faire toutes les recherches qui tendraient à fixer les incertitudes sur le lieu du désastre, et la corvette la Coquille, à bord de laquelle il devait monter, prit, sur sa demande, le nom de Astrolabe en mémoire d’un des navires de la malheureuse expédition. D’après son plan. d’Urville, qui avait été nommé capitaine de frégate vers la fin de 1825, se proposait de visiter les côtes de la Louisiade, de la Nouvelle-Guinée et de la Nouvelle-Bretagne, de traverser les Carolines et les Moluques, l’archipel de la Sonde. M. de Rossel y ajouta l’exploration des côtes nord est de la Nouvelle-Zélande, des îles Tonga, Viti et Loyalty. L’Astrolabe mit à la voile de Toulon le 22 avril 1826, et le 25 mars 1829 elle était de retour à Marseille, après avoir accompli en trente-cinq mois un voyage d’environ 25 000 lieues. C’est à partir de son départ de Port Jackson que commencent les grandes opérations de la campagne de d’Urville. Il reconnaît d’abord une portion de la côte nord-ouest de l’île plus méridionale de la Nouvelle-Zélande, exécute des travaux hydrographiques dans le canal qui sépare les deux terres, et explore la côte orientale de l’île septentrionale jusqu’au cap Nord, assurant par cette navigation la connaissance entière des parties visitées, et qui n’avaient encore été étudiées que superficiellement. De la il se dirige vers les îles des Amis où il apprend d’une manière positive que les vaisseaux de la Pérouse avaient relâché à l’île d’Amamouka, nouveau point d’un itinéraire inconnu. Jeté sur les récifs de Tonga-Tabou au milieu du calme, d’Urville est forcé de modifier ses instructions. Cependant, quoique dépourvu de câbles et d’ancres, il entreprend la reconnaissance des îles Viti, amas d’ilots, de récifs et d’écueils dangereux sur lesquels on ne possédait que la carte incomplète de Krusenstern. Reliant ensuite les opérations de l’Astrolabe à celles du voyage de d’Entrecasteaux par la visite des îles les plus méridionales de l’archipel du St-Esprit, il reconnaît et lève la carte du groupe nommé par les anglais îles Loyalty, sur lesquelles on n’avait que des idées très-confuses. Quittant les terres de la Louisiade, il remonte au nord, visite les îles Laughlan, relâche au havre Carteret de la Nouvelle-Irlande, longe la côte méridionale de la Nouvelle-Bretagne, qui n’avait été vue que de très-loin par le capitaine Dampier, et découvre à l’ouverture de la vaste baie Montagne, le groupe des îles du duc d’Angoulème. C’est après avoir dépassé l’extrémité occidentale de la Nouvelle-Bretagne que d’Urville rendit un éminent service à l’hydrographie en entreprenant la reconnaissance de cette longue suite de côtes qui borne la Nouvelle-Guinée du côté du nord. Après une relâche à Amboine, où il avait cru devoir faire prendre du repos à son équipage épuisé par une si longue navigation, d’Urville se disposa à rentrer dans le Grand-Océan au mois d’octobre 1827. Ce fut à Hobart-Town qu’il reçut des renseignements positifs sur un des points les plus importants de sa mission, la recherche du lieu où pouvait avoir péri notre célèbre et infortuné La Pérouse, en apprenant que le capitaine Dillon avait trouvé aux îles Mallicolo des traces de vaisseaux français ; et qu’à Tikopia, île voisine, les indigènes ou les étrangers qui avaient guidé le navigateur anglais pourraient diriger aussi ses recherches. D’Urville se hâta de faire voile pour cette île où il arriva le 10 février 1828. N’ayant pu obtenir de guides, il se décida à poursuivre seul sa route avec son navire, et vint mouiller le 21 entre les récifs de la partie orientale de Mallicolo, que les indigènes appellent Vanikoro. Des canots furent envoyés par lui de tous côtés, et M. Jacquinot, son second, guidé par un indigène, arrivé sur le lieu du désastre, aperçut à travers les couches transparentes des eaux, au milieu des coraux, des ancres, des canons, des boulets, etc., etc., qu’on arracha avec des peines infinies du lieu où ils gisaient depuis tant d’années et qui ne laissèrent plus aucun doute sur leur identité ; d’Urville fit placer à son bord

  1. MM. Jacquinot, Lottin et Gressien, devaient l’assister dans le commandement. M. Galmard était chargé de la zoologie ; M. Lesson et M. Quoy de la botanique, et M. de Sainsson l’accompagnait comme dessinateur.