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règne, comblé de la gloire des conquérants, c’est-à-dire couvert du sang des peuples, et poursuivi par la malédiction de ses contemporains. Ce fut sans doute le plus grand prince de son siècle : vainqueur dans toutes les batailles où il se trouva en personne, créateur d’une marine redoutable, maître de Carthage et de l’Afrique, fondateur d’un empire ; aussi ferme dans le gouvernement de ses États qu’habile à troubler ceux de ses ennemis, mais cruel et farouche, se complaisant au milieu des pleurs et du sang. Après s’être établi par la guerre, il laissa son royaume puissamment affermi par la paix, et mourut sinon sans remords, au moins sans trouble, au sein d’une famille nombreuse et soumise. Il n’était pas moins cruel chez lui que chez les autres. S’étant imaginé que sa bru voulait l’empoisonner pour régner un peu plus tôt, sans autre information, il lui fit couper le nez et les oreilles, et la renvoya dans cet état au roi Théodemer, son père. Le nom de Genseric fut longtemps un objet d’effroi parmi les peuples d’occident ; et celui de sa nation est encore aujourd’hui synonyme de barbare, ennemi des arls et de humanité. Madame Deshoulières a fait une tragédie de Genseric. G-s.


GENSFLEISCH. Voyez Guttemberg.


GENSONNÉ (Armand), né à Bordeaux le 10 août 1738, suivit la carrière du barreau dans sa patrie avec assez de succès, se jeta dans la révolution comme la plus grande partie des jeunes gens de son âge et de son état, et fut membre du tribunal de cassation, lors de la fondation de ce tribunal. Quand il fallut ensuite nommer des députés à la seconde assemblée nationale, Gensonné obtint facilement les suffrages de ses compatriotes. Il forma, dès ce moment, avec ses collègues Guadet et Vergniaud, une espèce de triumvirat bordelais (voy. Guadet et Vergniaud), connu sous le nom de faction de la gironde ou des girondins ; parti malheureux, qui, après avoir été la principale cause de l’entière destruction de la monarchie, devait périr bientôt lui-même de la manière la plus déplorable. La population de Bordeaux manifestait alors des idées très-voisines du système républicain. Forts de cet assentiment, ces députés ou du moins les trois personnages que nous venons de nommer, et auxquels il faut joindre un autre de leurs collègues, nommé Grangeneuve, firent serment d’établir ce système, et prouvèrent par leur conduite qu’ils voulaient y être fidèles. Le commerce des colonies, et particulièrement de St-Domingue, faisait la prospérité de Bordeaux. Avant d’être député, Gensonné avait adressé à l’assemblée constituante, au nom des Bordelais, un factum, dans lequel il prétendait prouver que l’indépendance des hommes de couleur ne pouvait qu’être favorable aux colonies. Cette opinion, qu’on cita dans l’assemblée constituante, lorsqu’elle s’occupait de leur sort, contribua beaucoup aux déterminations funestes qu’elleprit sur cet objet important. Avant d’entrer dans l’assemblée législative, Gensonné avait, en exécution

d’un décret de l’assemblée constituante, été

envoyé dans les départements de l’Ouest pour voir quel était l’esprit des habitants relativement à la nouvelle constitution civile du clergé. Il fit son rapport à l’assemblée législative, dans les premiers jours de son installation, et déclara que presque personne ne reconnaissait les prêtres qui avaient prêté serment à cette constitution, en faisant sentir qu’il serait impossible de la faire adopter. Malgré cette déclaration, Gensonné prit part à toutes les mesures de rigueur, à tous les actes tyranniques dont les prétres fidèles furent les victimes. Il fut membre du comité diplomatique que l’assemblée législative créa aussi dans son sein, comme un de ses moyens pour renverser l’autorité royale, et qui en effet y contribua beaucoup. Ce député discutait avec assez d’art, et suivait avec opiniâtreté les opinions qu’il voulait faire triompher. Railleur et caustique, il saisissait à propos les moyens qui produisent de l’effet dans une grande assemblée ; et il obtint de cette manière un certain ascendant. Ce fut lui qui, au nom du comité diplomatique, proposa un décret d’accusation contre les deux princes frères du roi, le prince de Condé, le vicomte de Mirabeau et le marquis de Laqueille. Ce décret fut rendu, le 1er janvier 1792, à l’unanimité des voix : il n’y eut pas une seule opposition directe. Après cette victoire, Gensonné, d’accord avec les députés de son parti, qui formaient alors la faction véritablement républicaine, continua d’adopter toutes les mesures qui pouvaient provoquer à la guerre, telles que des interpellations à l’empereur d’Allemagne, de continuelles attaques contre les ministres du roi, et surtout contre le pacifique Delessart (voy. Brissot). Ce fut Gensonné qui, toujours au nom du comité diplomatique, présenta le 21 avril 1792, dans une séance du soir, le texte du décret qui déclarait la guerre à l’empereur d’Allemagne, comme souverain d’Autriche, de Bohème et de Hongrie. Cette résolution, qui a été suivie de tant de désastres, fut adoptée à la presque unanimité des voix ; sept députés seulement se levèrent contre. Il est remarquable cependant que le parti de Robespierre repoussa la guerre, et prit de là occasion pour attaquer le parti des girondins, qui eurent bientôt à se défendre contre ces nouveaux adversaires ; Gensonné, Guadet et Brissot furent les premiers en butte aux traits de ce parti. Alors ils employèrent tous leurs moyens pour conserver en leur faveur l’opinion populaire ; ils imaginèrent mille ruses pour exalter les passions de la multitude. À peine la guerre fut-elle déclarée qu’ils s’efforcèrent de faire croire à l’existence à Paris d’un comité autrichien, dans lequel ils firent entrer leurs adversaires, les royalistes de toutes les couleurs. Ils répandirent que, d’accord avec la cour, ce comité s’occupait d’opérer la contre-révolution, et de faire arriver l’armée de