fendre l’entrée. Dans l’instant, le traître fondit sur eux, une épée dans chaque main, accompagné de plusieurs domestiques armés, et le combat devint furieux. Les défenseurs de Jacques étaient dans le plus grand danger d’être forcés, lorsqu’un d’eux s’écria : « Hélas ! vous avez tué le roi notre « maître ; voulez-vous aussi avoir notre vie ? » Gawry, étonné de cette exclamation, suspendit son attaque : aussitôt, un des serviteurs du roi, profitant de ce moment, le saisit au milieu du corps et le jeta sans vie à ses pieds. Ses domestiques, le voyant mort, s’enfuirent en désordre. Jacques, ainsi délivré par la bravoure de quatre sujets fidèles, se jeta sur-le-champ à genoux pour remercier Dieu d’une si grande faveur. Nous avons pris pour guide dans cette narration un historien anglais distingué et qui nous a paru préférable à
Gregorio Leti.
GAY (Jean), poète anglais, d’une ancienne famille
de Devonshire, naquit en 1688 à Barnstaple,
ou près de cette ville. Il y reçut une excellente
éducation d’un habile maître d’école (M. Luck,
connu par un volume de vers en latin et en anglais).
Gay, qui n’avait pas de fortune à espérer de
ses parents, fut placé comme apprenti chez un
marchand de soie à Londres. La duchesse de
blontmouth le tira du comptoir et le prit pour
secrétaire. Sa première production fut un poëme
intitulé les Amusement : de campagne, qu’il dédia
à Pope, dont la réputation commençait alors à
jeter un grand éclat. Pope fut sensible à cet hommage.
Le caractère doux et facile et la conversation
spirituelle de Gay l’attachèrent encore
plus que ses vers ; et rien depuis n’altéra leur
amitié réciproque. Pope a eu sur Gay l’avantage
d’exprimer ce sentiment en plus beaux vers. Le
caractère de Gay était celui d’un homme franc,
naturel, un peu timide, craignant d’offenser les
grands et réussissant peu auprès d’eux ; car il
disait ce qu’il pensait et comme il le pensait. Il
était le camarade de plaisir de tous les beaux esprits de
son temps et l’objet de la prédilection
particulière de chacun d’eux ; ce qui ne doit point
étonner, son talent poétique étant assez au-dessus
du médiocre pour faire estimer et rechercher ses
ouvrages, et pas assez transcendant pour déconcerter
les faibles. Sa bonté et son amabilité rendaient
ses rivaux mêmes contents des succès qu’il
obtenait : aussi la faveur publique le récompense
presque toujours de chacune de ses productions,
et quelques-unes ont obtenu une vogue momentanée
beaucoup au-dessus de leur mérite réel. Tel fut entre autres l’opéra du Gueux (the Beggar), sorte de vaudeville dont le héros est un voleur de
grand chemin condamné à être pendu, et l’héroïne
une fille publique. Une partie du succès de
cette pièce fut sans doute due à la licence des
scènes, qui est grande même pour le théâtre anglais ;
cependant il faut remonter jusqu’à Aristophane,
jusqu’à l’ancienne comédie grecque, pour
trouver dans l’histoire de l’art dramatique des
exemples de cynisme effronté pareils à ceux
qu’offre le théâtre anglais. Polly, ou la suite de l’opéra du Gueux, que Gay composa, ne put être représentée ; mais la défense des magistrats accéléra le débit de la pièce imprimée. On attribue à Gay l’invention de la tragédie burlesque ; il donna une pièce de ce genre intitulée Comment l’appelez-vous ? qui eut beaucoup de succès[1]. Il a aussi composé pour le théâtre une tragédie qui a pour titre les Captifs, un opéra intitulé Achille, des comédies, la Femme dans l’embarras et la Répétition á Gotham, la Femme de Bath, et enfin Trois heures après le mariage : ces comédies n’eurent que très-peu de succès ; la dernière est une satire contre le docteur Woodward, composée en
société avec Pope et Arbuthnot. Gay a aussi publié
une tragédie pastorale, intitulée Diane. Johnson
condamne avec sévérité et même avec humeur ce
genre de poésie, qu’il trouve indigne d’une nation
instruite et policée. L’Amynte est la meilleure réponse
que l’on puisse opposer à cette fausse doctrine ;
et même après l’avoir lue on sent que ces
sortes de compositions pourraient acquérir encore
plus de vérité, de passion et de mouvement.
Les Fables que Gay composa pour l’éducation du
jeune duc de Cumberland, et dont la première
partie parut en 1726[2], sont le plus connu et le
meilleur de ses ouvrages. On l’a accusé de ne
s’être pas fait une idée aussi exacte de ce genre
de composition que la Fontaine, de l’avoir confondu
avec celui des contes, des allégories, des apologues ;
on a dit aussi que la langue anglaise
n’était pas propre aux fables : rien de tout cela
n’est vrai ; les inventions du fabuliste anglais
paraissent le plus souvent très-heureuses ; ses réflexions
sont justes et spirituelles ; son style est
doux, gracieux, enjoué : mais Gay n’est jamais
qu’un habile versificateur, et la Fontaine se montre
souvent un grand poëte. La Fontaine enrichit
sa langue et la crée ; Gay fait un assez bon usage
de la sienne. On lit volontiers toutes ses fables :
on relit avec délices et on retient un grand nombre
de celles de la Fontaine. Les six églogues
rustiques intitulées la Semaine du Berger furent
composées par Gay pour plaire à Pope, qui désirait
ridiculiser Addison et tous ceux qui prétendaient
que les églogues de Philipps étaient
préférables à celles de Pope, parce qu’elles se
rapprochaient davantage du langage et des mœurs
des pâtres anglais : mais le naturel plait toujours ;
il peut exciter le rire, mais il n’est pas ridicule ;
il n’y a que l’affectation qui le soit. Gay sut peindre
avec tant de vérité dans ses églogues les mœurs
des paysans d’Angleterre, qu’elles eurent plus de
- ↑ L’Opéra des Gueux et le Comment l’appelez-vous, traduits en français par Patus, font partie du Choix des petites pièces de théâtre anglais, 1756, 2 vol. in-12. On a aussi l’Opéra des Gueux en trois actes, prose et vers, traduit de l'anglais par A. Hallam, Londres, l750, in-8°, mauvaise traduction.
- ↑ La deuxième partie des fables de Gay ne fut publiée qu’après sa mort, vraisemblablement à cause des traits qu’il y lance contre les hommes d’État et les courtisanes dont les promesses l’avaient trompé. X-s.