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GAY

ment. Après le siége de Lyon, il se rendit à Paris et obtint plusieurs médailles dans les concours particuliers de l’école d’architecture, dirigée alors par lil. Leroy. Le jeune artiste avait été recommandé au directeur des musées et des médailles, ll. Denon, qui lui confia quelques ouvrages et le chargea de la composition de la médaille du sacre de Napoléon et de la restauration du sceptre qui avait fait partie du trésor de St-Denis, et qui passait pour avoir appartenu à Charlemagne. Gay reconnut bientôt que l’antiquité de ce sceptre ne remontait pas au delà du 14e siècle, et une légende en lettres gothiques, inscrite dans le pourtour, lui apprit que cette relique n’était autre qu’un bâton de chantre. Il s’empressa de faire part de sa découverte à Denon, qui, en politique adroit, effaça la légende. L’école spéciale de dessin et des beaux-arts, qui avait été supprimée à Lyon en 1792, avait été rétablie ; la chaire d’architecture fut donnée à Gay, qui plus tard fut

nommé architecte de la ville. Plusieurs monuments furent exécutés sur ses dessins et sous sa direction ; de ce nombre sont le bâtiment dela condition des soies et celui de la halle aux blés. En1815, Gay fut remplacé comme architecte de la ville par ll. Flacheron[1] ; il se démit de ses fonctions de professeur à l’école de dessin et passa plusieurs années hors de son pays, et notamment en Italie. À son retour, il fut sans cesse occupé à la restauration d’édifices religieux et de plusieurs châteaux dans les environs de Lyon. Il fut un des fondateurs de la société littéraire de Lyon. Sa bibliothèque, dont la vente s’est faite sur catalogue, ne se composait que de livres très-précieux. Un manuscrit des Lettres de Guy Patin (décrit sons le n" 617 de ce catalogue) a été acquis par ll. Champollion-Figeac pour la Bibliothèque royale. Ce manuscrit avait appartenu à Claude Brossette et il avait été adjugé à la vente des livres du docteur Rast à Gay, en 1812. Voyez la Noticuurl.-J. Pascal Gay. par M. Fleury Richard, Lyon, 1852, in-8° de 11 pages.

GAY (Marie-Françoise-Sophie, Nichauld de la Valette, dame), née à Paris le 1er juillet 1776, morte le 6 mars 1852. Elle avait donc deux ans l’année d’Irène et de la mort de Voltaire. Son père, M. Nichault de la Valette, un homme de finances qui était un amateur des lettres, présenta la petite Sophie au poëte, et l’illustre vieillard lui toucha le front de ses lèvres. Ce baiser porta bonheur à l’enfant. On remarqua bientôt la vivacité de son esprit. Pensionnaire chez madame le Prince de Beaumont, mademoiselle de la Valette avait déjà des reparties d’un singulier à-propos. Le jour de sa première communion, comme elle était en grande toilette et que sa robe traînante l’embarrassait un peu, elle se retournait à chaque instant pour la rejeter en arrière. Une de ses camarades se mit à dire : « Est-elle impatientante cette Sophie avec sa tête et avec sa queue. — Ce n’est pas là ce qui te gênéra jamais, répondit mademoiselle de la Valette avec sa promptitude habituelle, car tu n’as ni queue ni tête. » Le mot sentait un peu la pupille de Voltaire, mais devant la sainte table il n’y eut plus que l’élève de madame le Prince de Beaumont, et l’enfant, sans le savoir, mérita d’avance à la femme la grâce d’une fin chrétienne. L’ancienne société française allait finir ; mademoiselle de la Valette connut encore les hommes qui représentaient le mieux l’élégance et l’heureux tour d’esprit du dernier siècle : M. le vicomte de Ségur, M. de Vergennes, le chevalier de Boufflers et Alexandre de Lameth. Avec les dispositions qu’on lui a vues elle ne pouvait manquer de profiter à une telle école. Ajoutez les heureuses années de la vie, celles que n’attriste pas même la terreur des révolutions, dix-huit ans à la mort de Louis XVI, vingt et un ans sous le directoire, l’habitude du meilleur monde, celle des positions brillantes, un premier mariage avec M. Liottier, l’agent de change, un second avec M. Gay, point de deuil entre les deux par le bénéfice du divorce ; cette liberté d’esprit, cette sûreté de rencontre et d’à-propos s’accrurent naturellement chez une jeune femme que sa beauté accoutumait à ne trouver que des admirateurs, et qui ne se laissait pas intimider par l’empereur Napoléon lui-même. Ici se place une anecdote qui a été racontée plusieurs fois, mais qu’il faudra toujours citer, parce qu’elle est caractéristique. M. Gay avait été nommé receveur général du département de la Roër. Madame Sophie Gay se partageait entre Paris et Aix-la-Chapelle, menant des deux côtés la grande existence qui convenait à la situation de son mari. Elle habitait sa maison d’Aix-la-Chapelle lorsque l’empereur Napoléon, quittant le camp de Boulogne, vint rejoindre l’impératrice Joséphine qui visitait elle-même la ville de Charlemagne au retour de Plombières. Madame Sophie Gay avait déjà connu aux eaux de Spa Pauline Bonaparte, princesse Borghèse, et les deux jeunes femmes s’étaient liées toutes deux d’une mutuelle amitié ; ce fut chez la sœur que madame Gay rencontra le frère. L’empereur traversait les salons, habitué à faire baisser tous les yeux, et secrètement flatté du trouble que produisait sa présence. En passant auprès de madame Sophie Gay : « Madame, lui dit-il brusquement, ma sœur vous a dit que je n’aimais pas les femmes d’esprit ? » L’attaque était directe, et l’empereur, qui appuyait le mot avec son regard d’aigle, était sur d’avoir encore une fois déconcerté l’ennemi ; mais l’ennemi n’était pas aisé à surprendre. « Oui, sire, répondit madame Gay sans s’émouvoir ; mais je ne l’ai pas cru. » Étonné de la résistance, l’empereur redoubla pour ne pas perdre l’avantage : « Vous écrivez, n’est-il pas vrai ? Qu’avez-vous fait depuis que vous êtes dans ce pays-ci ? — Trois enfants,

  1. Louis-Cécile Flacheron né en 1772 à Lyon, où il cet mort le 12 man 1835, a publié en 1814 l’Éloge historique de Philibert de Lorme, architecte lyonnais, Lyon, in-8° de 32 pages.