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et c’est là que Delisle s’en était procuré une copie. En la publiant à son retour, il eût sans doute mieux fait de conserver le nom du missionnaire et de le laisser parler dans l’ouvrage, que de prendre les fonctions et le langage de rédacteur dans un sujet qui lui était étranger, et auquel le nom d’un voyageur décrivant ce qu’il avait vu pouvait seul donner quelque intérêt. Une notice sur le Tonking et la Cochinchine, où se trouvent réunis tous les documents fournis sur ces contrées par les écrivains chinois (Lettres edif. t. 31) ; une autre du même genre, sur le Thibet, sur les îles Lieoukieou, et sur la conquête du royaume des Olet ou Eleuthes (insérée dans le même recueil) ; une lettre à la Société royale de Londres, qui a été traduite en anglais et imprimée dans les Transactions philosophique ; deux autres lettres sur des sujets relatifs à la mission de la Chine, et publiées dans le recueil des Lettres édifiantes, t. 16 et 26, complètent la liste de ceux des ouvrages du P. Gaubil qui ont été imprimés. Si l’on ajoute à cette liste une foule de lettres et de mémoires, adressés à Fréret, à Delisle, au P. Souciet, à l’Académie des inscriptions, à celle de St-Pétersbourg, etc., les uns imprimés par extrait, les autres restés en manuscrit, on aura l’idée des travaux auxquels a du se livrer ce missionnaire. Il fut nommé en 1747 membre de l’Académie de St-Pétersbourg, et celle des sciences de Paris le reçut, sur la proposition de Delisle, au nombre de ses correspondants. Il venait de terminer le mémoire sur le Tonking, quand il fut saisi d’une maladie violente qui l’enleva le 24 juillet 1759, après trente-six ans de séjour à Péking, et 71 ans de la vie la plus laborieuse et la plus utile aux sciences et à la religion. Gaubil est incontestablement celui de tous les Européens qui a le mieux connu la littérature chinoise, ou du moins qui en a su faire les applications les plus utiles et les plus multipliées. Plus fécond que Parennin et Gerbillon, moins systématique que Prémare et Fouquet, plus profond qu’Amiot, moins léger et moins enthousiaste que Cibot, il a traité à fond, avec science et critique. toutes les questions qu’il a abordées. On ne peut faire à ses ouvrages qu’un seul reproche fondé, c’est qu’ils sont écrits dans un style qui en rend quelquefois la lecture fatigante. Gaubil, en apprenant les langues de la Chine, avait à peu près oublié sa langue maternelle ; mais ce défaut, qui pourrait lui faire tort dans l’esprit des gens du monde, n’est rien pour les savants auxquels ses travaux sont destinés, et ces derniers n’en conserveront pas moins pour sa mémoire toute l’admiration et toute la reconnaissance que peut justement lui mériter une longue suite de travaux estimables et tous dirigés vers des objets utiles. A. R-t.


GAUBIUS (Jérôme-David GAUDE, plus connu sous le nom de), naquit à Heidelberg, dans le bas Palatinat, le 24 février 1705, d’une famille distinguée et éprouvée par toutes les vicissitudes de la fortune. Quoique né protestant, Jérome-David fut confié, pour sa première éducation, à des jésuites, qui cultivèrent avec le plus grand soin les heureuses dispositions qu’il avait reçues de la nature. De cette école il passa dans celle que Franke, protestant très-rigoriste, venait d’établir à Halle. Celui-ci apprécia très-mal son disciple, qui fut enfin envoyé par son père près de son frère, Jean Gaubius, qui pratiquait la médecine avec beaucoup de réputation à Amsterdam[1]. Cet oncle, qui devint un second père pour son neveu, lui conseilla d’aller passer un an à Harderwick, et il lui fournit les moyens de suivre les leçons de Moor, qui enseignait avec éclat dans l’université de cette ville. La célébrité et le voisinage de l’école de Leyde l’attirèrent ensuite. Boërhaave, qui se trouvait à la tête de l’enseignement de la médecine, était alors le professeur le plus renommé de l’Europe. Ce grand homme témoigna de l’affection à Gaubius, et il présida même la thèse que celui-ci soutint pour être reçu docteur en médecine, et dans laquelle il disserta sur les parties solides du corps humain : ainsi, dès son début dans la carrière, il se montra attaché à la doctrine du solidisme. Peu après Gaubius voyagea en France, où il s’appliqua dans la capitale, et sous les meilleurs maîtres de ce temps, à l’étude spéciale de l’anatomie, de la chirurgie et des accouchements. Au bout d’un an de séjour à Paris, Gaubius retourna à Heidelberg, en passant par Strasbourg, où il s’arrêta quelque temps. Rappelé bientôt en Hollande par son oncle, qui lui donna sa fille en mariage, il continua à se livrer à l’étude des sciences physiques, et il commença à pratiquer assidûment la médecine, sous les auspices de son beau-père. Nommé médecin de la ville de Deventer, il fut appelé en 1727 à Amsterdam, que ravageait alors une épidémie meurtrière ; et il resta dans cette capitale jusqu’en 1729, c’est-à-dire jusqu’à la cessation de la maladie, pendant le long cours de laquelle il montra autant de dévouement que de lumières et d’humanité. Boërhaave, sentant diminuer ses forces avec Page, fit nommer Gaubius son successeur dans la chaire de chimie. Les services rendus à l’État pendant la dernière épidémie qui avait désolé Amsterdam dispensèrent notre savant médecin du titre de sujet ou de citoyen de la république, jusqu’alors nécessaire pour pouvoir être professeur. Gaubius vint donc s’asseoir, jeune encore, en 1731, près de Boërhaave, d’Albinus, d’Osterdyk et de Van Royen, ses anciens maîtres ; il se montra d’une manière si avantageuse, qu’il fut deux ans après promu à la chaire de médecine, qu’il réunit à celle de chimie. Le reste de la vie de Gaubius fut consacré dès lors tout entier au pro-

  1. Il a même laissé trois lettres intéressantes sur des objets d’anatomie, qui, d’abord publiées À Amsterdam en 1696, ont été réimprimées et conservées dans la collection des ouvrages de Ruish. Manget attribue encore d’autres productions à Jean Gaubius.