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grands nombres. Enfin l’astronomie ancienne lui est redevable de la découverte, ou du moins de la démonstration du procédé pour représenter, par des épicycles, les phénomènes des stations et des rétrogradations des planètes ; Ptolémée l’a cité, à ce sujet, dans son Almageste. Nous n’avons aucune anecdote sur la vie privée d’Apollonius, et son caractère ne nous est indiqué que par un parallèle désavantageux que Pappus fait de son amour-propre et de sa jalousie, avec la simplicité et le désintéressement d’Euclide. Ce sont sans doute ces défauts qui lui ont fait intenter l’accusation de plagiat, dont le justifie l’article qui le concerne dans le Dictionnaire de Bayle ; car, en portant ses prétentions trop haut, on excite, dans les autres, une sorte de réaction d’amour propre, qui les porte à contester les titres les plus légitimes. Les éditions remarquables des ouvrages d’Apollonius sont : 1° Apollonii Pergæi Conicorum libri quatuor, ex versione Friderici Commandini, in-fol., Bononiæ, 1566 ; 2° Apollonii Pergæi Conicorum libri 5, 6, 7, Paraphraste Abalphato Asphanensi nunc primum editi ; additus in calce Archimedis Assumptorum liber, ex codicibus arabicis manuscr. Abrahamus Ecchellensis latine reddidit ; J. Alfonsius Borellus curam in geometrics versioni contulit libri, et notas uberiores in universum opus adjecit, in-fol., Florentiæ, 1661 ; 3° Apollonii Pergæi Conicorum octo, et Sereni Antissensis de Sectione cylindri et coni libri duo, in-fol., Oxoniæ, 1710 (c’est l’édition donnée par Halley) ; 4° l’édition des quatre premiers livres du même, donnée en 1675 par Barrow, avec celles d’Archimède et de Théodose ; 5° Apollonii Pergæi de Sectione rationis libri duo ; accedunt ejusdem de Sectione spatii libri duo restituti ; præmittitur Pappi Alexandrini præfatio (græce edito), ad septimum collectionnis mathematicæ cum Lemmatibus ejusdem Pappi in hos Apollonii libros, opera et studio Edmundi Halley, in-8o, Oxonii. 1706. L-x.


APOLLONIUS DE RHODES naquit à Alexandrie, suivant Strabon ; à Naucratès, suivant Elien et Athénée : il eut pour père Illée ou Sillée, de la tribu Ptolémaïde ; sa mère s’appelait Rhodé. La date de sa naissance n’est pas connue ; tout ce qu’on sait à ce sujet, c’est qu’il était à peu prés du même âge qu’Eratosthénes, né l’an 276 avant J.-C., sous le règne de Ptolémée Philadelphe, et plus jeune que le poëte Callimaque, sous lequel il étudia la grammaire et les belles-lettres. Apollonius commença à se faire connaître par des travaux d’archéologie et d’histoire ; il s’essaya ensuite dans la carrière poétique, et fit paraître un poème sur l’expédition des Argonautes. Callimaque le vit avec déplaisir aspirer aux honneurs du Parnasse, et, non content d’avoir fait siffler son poëme, il composa une satire dans laquelle, transformant son rival en ibis, il s’abandonnait contre lui à toutes les violences que peut suggérer la jalousie littéraire ; enfin sa haine ne fut satisfaite que lorsqu’il eut fait usage de la faveur dont il jouissait à la cour pour le faire exiler. Apollonius se retira à Rhodes, où les lettres étaient en honneur depuis qu’Eschine y avait trouvé un asile. Il y professa la rhétorique, et son école jeta tant d’éclat que les Rhodiens, par reconnaissance, lui accordèrent le titre de citoyen. Pendant son bannissement, le poëte, dont l’âge avait mûri le goût et les talents, revit l’œuvre de sa jeunesse, et, mettant a profit les critiques dont elle avait été l’objet, il en fit paraître une seconde édition très-supérieure à la première, et qui obtint le plus brillant succès à Rhodes et en Égypte. Cependant la gloire ne suffisait pas à le rendre heureux ; le souvenir de la patrie était vivant dans son cœur ; ses regards se tournaient sans cesse vers elle, et ses vers recevaient la confidence de ses regrets ; la comparaison suivante, que nous lisons dans le second livre de son poëme, était sans doute une allusion a son sort et aux élans de son âme : « Lorsqu’un homme, errant loin de sa patrie par un malheur trop commun, songe à la maison chérie qu’il habitait, la distance s’efface tout à coup devant lui : franchissant en imagination les terres et les mers, il embrasse à la fois de ses regards avides tous les objets de sa tendresse. » Apollonius touchait à la vieillesse, lorsque enfin ses vœux furent exaucés : il revit Alexandrie, qui le reçut avec honneur. Ptolémée Épiphane, réparant l’injustice de son aïeul, confia au poète la direction de la bibliothèque d’Alexandrie, lorsque cette place honorable devint vacante par la mort d’Eratosthènes, qui eut lieu vers l’an 196 avant J.-C. Les derniers jours d’Apollonius s’écoulèrent au sein de cette paisible retraite. Il mourut dans un âge très-avancé, vers la 14e année du règne de Ptolémée Épiphane (186 ans avant J.›C.). Les Alexandrins déposèrent ses cendres dans le tombeau où reportent déjà celles de Callimaque. Le poème des Argonautiques est une œuvre de décadence. Apollonius s’est trouvé à une époque on la muse grecque, affaiblie par l’âge et le malheur, ne conservait plus que le souvenir des inspirations naïves de sa jeunesse. Chez les poëtes alexandrins, la mémoire et la science remplaçaient l’imagination et le sentiment ; leurs œuvres, calquées sur les chefs-d’œuvre antiques, au lieu d’être dessinées d’après nature, peintes de couleurs artificielles et disparates, semées de fleurs vieillies dans les bibliothèques, manquaient de vie, de naturel et d’originalité. Le sujet choisi par Apollonius ne manquait ni de grandeur ni d’intérêt, mais il ne sut pas tirer parti de ces précieux avantages : le caractère véritable et les résultats de l’entreprise lui échappent : habitant d’une grande ville commerciale et maritime, il ne voit dans l’expédition de Colchide ni la conquête d’un nouveau monde, ni l’extension du commerce des Hellènes ; les courses et les exploits des Argonautes, les amours de Jason et de Médée sont les seuls objets qui l’occupent. la disposition de son plan est purement historique et chronologique, et n’offre pas ces combinaisons savantes dont les grands artistes possèdent le secret, et qui resserrent un sujet dans les homes d’une étroite unité. Son récit prend la forme d’un journal monotone et froid. Le principal mérite de l’ouvrage consiste dans des beautés de détail et dans les nombreuses descriptions qui font languir l’action, mais qui, en re-