Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 2.djvu/190

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
185
ARG

prétendus manuscrits de St. Grégoire, ainsi que celui de Haubert, et d’avoir puisé dans son imagination seule les détails de son histoire. D-g.


ARGAND (Aimé), né à Genève, et inventeur des lampes a courant d’air, n’est pas le premier qui ait vu donner a sa découverte le nom d’un autre. Les lampes connues sous le nom de quinquets devraient s’appeler des argands. C’est en Angleterre que, vers 1782, Argand fit sa première lampe. Peu de temps après, Ambroise-Bonaventure Lange, distillateur du roi à Paris, ayant eu communication des travaux d’Argand, perfectionna sa découverte, en resserrant la cheminée près de la flamme, ce qui rendait la lumière encore plus vive et plus éclatante, et il obtint le 7 septembre, de l’académie des sciences, un rapport dans lequel les commissaires Lemonnier et Brisson déclarèrent « qu’une seule de ces lampes éclairait autant que vingt bougies qui seraient réunies. » Lange s’était donné comme inventeur ; Argand voulut d’abord réclamer devant les tribunaux : il se rendit à Paris ; mais, ayant trouvé son compétiteur bien appuyé et décidé à ne pas se relâcher de ses prétentions, il consentit, après de longs différends, à partager le mérite et les profits de sa découverte. Le 5 janvier 1787, Argand et Lange obtinrent des lettres patentes données sur arrêt, portant permission exclusive de fabriquer et rendre dans tout le royaume des lampes de leur invention pendant quinze ans. On lit, dans le considérant de ces lettres patentes, « qu’ils sont inventeurs d’une lampe appelée à courant d’air et cheminée de verre, qui réunit le double avantage qu’il ne s’y forme aucune espèce de fumée, et que la matière qui devrait la produire est convertie en lumière, laquelle par cette raison se trouve considérablement augmentée ; que les premiers essais de cette lampe ayant été communiqués le 15 août 1783, par le sieur Aimé Argand, au feu sieur Macquer, cet académicien en rendit les témoignages les plus favorables, ainsi qu’il est résulté du rapport qui en fut fait le 16 du même mois ; que postérieurement le sieur Argand, étant en Angleterre, a complété cette lampe, en ajoutant au courant d’air introduit dans l’intérieur de la mèche une cheminée de verre qui, environnant ladite mèche à une distance convenable, s’échauffant et concentrant la chaleur, augmente le courant d’air intérieur, et en occasionne un à l’extérieur de la mèche, ce qui achève de détruire la fumée en la convertissant en flamme. » Voilà bien l’invention constatée par le gouvernement en faveur du Genevois : le chimiste Macquer et les lettres patentes le reconnaissent aussi pour l’inventeur de la cheminée de verre, dont Lange avait voulu se faire honneur. Déjà, deux ans avant la révolution, il était établi dans ces lettres « que les privilèges, qui sont en général odieux lorsqu’ils portent sur des objets de première nécessité et ne sont point le fruit du talent, cessent d’être tels lorsqu’ils sont accordés à l’invention. » Argand et Lange obtinrent donc un de ces privilèges exclusifs qu’on a depuis appelés brevet d’invention. Les patentes furent enregistrées au parlement. Bientôt les nouvelles lampes devinrent a la mode, et leur usage se répandit avec une telle rapidité, que les ferblantiers de Paris intentèrent, en 1789, un procès pour faire annuler le privilège. C’est ainsi que les cristalliers de Londres avaient déjà poursuivi Argand en 1786 devant le banc du roi. Les ferblantiers publièrent un mémoire où l’injure avait plus de force que le raisonnement. Puisque, disaient-ils, Argand et Lange se sont longtemps disputé le mérite de l’invention, « il résulte de cette querelle qu’ils ne sont point inventeurs. » Et dans une réponse imprimée à ce mémoire, Argand s’exprimait ainsi : « Peut-on répondre sérieusement à un pareil raisonnement ? On ne l’a pas imaginé lorsque Newton et Leibnitz se disputaient l’invention du calcul différentiel. » Mais la révolution étant arrivée, tous les privilèges furent abolis. Argand se trouva frustré des bénéfices de sa découverte, et même l’honneur lui en échappa : Quinquet, qui avait ajouté quelques nouvelles formes aux lampes à courant d’air et à cheminée de verre, leur donna son nom, et Argand put dire comme Virgile, et tant d’autres : Sic vos non vobis. Il se retira en Angleterre, ou les chagrins altérèrent sa santé, et il alla mourir, jeune encore, dans sa patrie, le 24 octobre 1803. Il était physicien et chimiste. Il a donné des procédés utiles pour dégeler les vins, et d’autres pour les améliorer. Devenu mélancolique et visionnaire, il était descendu dans les sciences occultes. Il allait dans les cimetières recueillir les ossements et la poudre des tombeaux, qu’il soumettait à des procédés chimiques, et cherchait ainsi dans la mort même le secret d’allonger la vie. — Son frère, conseiller de préfecture dans le département du Léman, y remplissait les fonctions de secrétaire général lors de la chute de l’empire, en 1814. V-ve.


ARGELLATI (Philippe), l’un des plus laborieux écrivains et des plus savants littérateurs de son temps, naquit vers la fin de l’année 1685, à Bologne, d’une des plus anciennes familles de cette ville, mais qui était originaire de Florence. Après avoir fait ses premières études dans sa patrie, il se rendit à Florence, où il se lia avec les divers savants de cette ville, et en particulier avec le célèbre Antonio Magliabecchi. De Florence, il passa à Lucques, ensuite à Livourne, où il avait dessein de s’embarquer pour venir en France ; mais la mort d’un de ses oncles le força de retourner dans sa patrie. Ce fut alors qu’il entreprit de publier les ouvrages, tant inédits que déjà imprimés, d’Ulysse Aldrovandi, avec des additions, des observations et des corrections. Il s’associa, pour ce grand travail, plusieurs professeurs avantageusement connus dans les différentes parties des sciences ; mais le plus grand nombre de ces savants étant morts successivement en peu d’années, il lui fallut renoncer a l’entreprise. Il ne tarda pas à en former d’autres. Il publia d’abord le recueil des poésies de Carlantonio Bedori, gentilhomme bolonais, Bologne, 1715, in-4o. Deux ans après, s’étant trouvé à Bologne l’un des magistrats qui portaient le titre de tribuns du peuple, il adressa, en sortant de charge, un discours éloquent aux tribuns ses successeurs, sur les devoirs qu’ils avaient à remplir. Ce discours eut un si grand succès, que le tribunat même ordonna qu’il