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sensation dans un temps où la destruction de l’empire de Constantin par les sectateurs de Mahomet frappait tous les esprits, furent son traité de l’Empire des Turcs, et celui qu’il intitula : de Futuris Christianorum Triumphis in Turcas et Saracenos, ad Xyxtum IV et omnes principes christianos, Genuæ, 1480, in-4o. Ce dernier n’est qu’un recueil de ses explications ou de ses réflexions sur le livre de l’Apocalypse. Il les avait prêchées dans l’église de St-Dominique, à Gènes, dans le cours de l’année 1471. Cet ouvrage, qui a eu plusieurs éditions et dont il existe un manuscrit à la bibliothèque royale, est divisé en trois parties. Dans la première, l’auteur fait un précis de tout ce que les interprètes catholiques avaient écrit avant lui sur les quinze premiers chapitres de l’Apocalypse. Dans la seconde, il donne ses propres réflexions, depuis le seizième chapitre jusqu’à la fin du même livre, et il entreprend de prouver que le faux prophète Mahomet est le véritable antechrist prédit par St. Paul, et dont St. Jean décrit tous les caractères ; « car, dit-il, quoique ce faux prophète soit mort, sa secte impie vit encore ; elle fait des progrès contre le peuple de Dieu, et elle durera jusqu’à ce que, selon le septième chapitre de Daniel, le règne soit donné par le Très-Haut au peuple des saints, c’est-à-dire aux chrétiens. » La troisième et dernière partie n’est qu’une récapitulation de ce que l’auteur avait déjà publié dans son traité de l’Empire des Turcs. Il publia aussi des questions, Super Mutuo judaico et civili et divino, datées de Viterbe, le 8 mai 1492, in-4o, mais sans nom d’imprimeur, ni du lieu de l’impression. Le catalogue de la bibliothèque d’Oxford lui attribue un commentaire sur Catulle, Tibulle et Properce, Paris, 1604. Le P. Niceron fait observer que les bibliothécaires des dominicains ne parlent point de cet ouvrage, non plus que du précédent ; mais l’ouvrage qui a donné à Annius le plus de renommée, bonne et mauvaise, est le grand recueil d’antiquités qu’il publia à Rome en 1498, sous ce titre : Antiquitarum variarum volumina 18, cum commentariis Fr. Joannis Annii Viterbiensis, in-fol. Elles furent réimprimées la même année à Venise, dans le même format, et elles l’ont été plusieurs fois depuis à Paris, à Bâle, à Anvers, à Lyon, tantôt avec et tantôt sans les commentaires. Dans ce recueil, Annius prétendit faire présent au monde savant des ouvrages originaux de plusieurs historiens de la plus haute antiquité, tels que Bérose, Fabius Pictor, Myrsile, Sempronius, Archiloque, Caton, Mégasthène (qu’il nomme Métasthène, quoiqu’il n’y ait jamais eu d’auteur de ce nom), Manéthon et plusieurs autres qui devaient jeter le plus grand jour sur la chronologie des premiers temps, et qu’il disait avoir heureusement retrouvés à Mantoue, dans un voyage où il avait accompagné Paul de Campo Fregoso, cardinal de St. Sixte. L’attention publique était alors dirigée sur des découvertes de ce genre, qui se multipliaient tous les joues, et auxquelles l’invention récente de l’imprimerie donnait une nouvelle activité. On fut d’abord ébloui par ces grands noms : on reçut comme originaux les ouvrages recueillis par Annius, et dont il prétendait, dans ses commentaires, démontrer l’authenticité. Les historiens de plusieurs villes et de plusieurs provinces d’Italie se firent gloire de trouver pour leur patrie, dans des auteurs qu’on leur donnait comme classiques, des preuves d’une antiquité qui se perdait dans la nuit des temps. Annius n’eut point d’abord de contradicteur, et l’on doit remarquer que ce fut dans l’année qui suivit la publication de son livre qu’il fut nommé maître du sacré palais ; mais bientôt en Italie même on cria de toutes parts à l’erreur ou à l’imposture. Annius eut aussi quelques défenseurs. On peut ranger en quatre classes les sentiments des auteurs à son sujet : les uns pensent qu’il eut réellement en sa possession certains fragments des anciens auteurs qu’il a publiés, mais qu’il les étendit considérablement, et qu’il y ajouta toutes les fables et toutes les fausses traditions dont ce recueil est rempli ; les autres croient que le tout est faux et controuvé, mais qu’Annius y fut trompé le premier, et qu’il publia de bonne foi ce qu’il crut vrai et authentique. Théophile Raynaud est de cette opinion, dans son livre de Bonis et Malis Libris, p. 164 ; mais, dans son autre ouvrage, de Immunitate Cyriacorum, qui est plus mordant que le premier et qu’il a donné sous le faux nom de Pierre de Vaucluse, il ne l’accuse point à demi, et ne lui fait aucune grâce. D’autres ont défendu Annius et ont pris pour de véritables antiquités tout ce qu’il a donné sous ce titre : plusieurs, il faut en convenir, sont des auteurs sans vrai savoir et sans critique ; mais plusieurs aussi méritent plus de confiance, tels que Bernardin Baldi, Guillaume Postel, Albert Krantz, Sigonio, Léandre Alberti et quelques autres. On dit qu’Alberti reconnut trop tard l’erreur où il était tombé, et qu’il mourut de chagrin d’avoir gâté sa Description de toute l’ITalie par les fables qu’il avait puisées dans le recueil d’Annius. Des critiques plus sévères ont soutenu que le recueil entier n’avait d’autre source que l’imagination de l’éditeur : les plus célèbres sont Antoine Agostini, Isaac Casaubon ; Jean Mariana, dans son Histoire d’Espagne ; Ferrari, dans son livre de Origine Romanorum ; Martin Hanckius, de Romanorum Rerum Scriptoribus ; le cardinal Noris, Fabricius, Fontanini, etc., etc. De savants Italiens, contemporains d’Annius, furent les premiers à apercevoir et à dénoncer la fraude, entre autres, Marc-Antoine Sabellicus, Pierre Crinitus, Raphaël Maffei, etc. ; Pignoria, dans ses Origines de Padoue, prit la précaution d’avertir qu’il n’y faisait aucun usage des prétendus auteurs sortis des mains d’Annius de Viterbe, déclaration que Scipion Maffei a cru devoir répéter depuis dans sa Verona illustrata. On peut voir, dans Niceron et dans Apostolo Zeno (Dissertazioni Vossiane), la dispute qui s’éleva, dans le 17e siècle, entre Mazza, dominicain, qui publia une apologie d’Annius, Sparavieri de Vérone, qui écrivit contre, et François Macedo, qui répondit pour Mazza. Apostolo Zeno, ennemi de tout excès, en trouve dans les accusations comme dans les défenses : il lui paraît également impossible, d’un côté, qu’un homme aussi savant que l’était Annius, d’un état et d’un ca-