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À ce trait de bonne guerre et de bon goût, Marmontel répondit par cette révoltante platitude :

Passants, crachez-lui sur la face.

Il avait été mieux inspiré, cet inconnu qui, voyant au salon le buste de l’abbé Aubert, sculpté par Moitte, écrivit au bas : Passez vite, car il mord. Au surplus, l’estime et la considération de ses nombreux amis vengeaient amplement Aubert de ces attaques, dont la violence dépassait le but. Le sage Vergennes le traitait moins en protégé qu’en ami : il fut étroitement lié avec Buffon[1]. Invariable dans les principes qu’il professait, Aubert ne fut pas le partisan de la révolution. Durant les vingt-cinq dernières années de sa vie, il vécut dans la retraite[2] : il envoyait aux journaux quelques fables nouvelles, en composait beaucoup d’autres, qu’il lisait volontiers à ses amis, mais qu’il n’a pas livrées à l’impression pour ne point compromettre le repos de sa vieillesse. Il mourut le 10 novembre 1814, après une maladie de cinq jours. Lefebvre-Gineau, son collège et son ami, prononça sur son cercueil un éloge touchant, dans lequel il attribue sa mort aux émotions profondes, à la joie portée à l’excès que lui avait fait éprouver le retour des Bourbons. Depuis 1811, on a réimprimé plusieurs fois ses fables. En 1850, M. Grandsire en a traduit une partie en vers latins avec les meilleurs apologues de la Motte, Lebailly, Lemonnier, Florian, etc. Pour compléter l’indication des écrits de l’abbé Aubert, il ne nous reste plus qu’à rappeler une réfutation des principes de J.-J. Rousseau sur la musique française.


AUBERTIN (Antoine), né à Nancy, au commencement du 17e siècle, entra dans l’ordre des prémontrés, devint prieur de l’abbaye d’Étial, monastère des Vosges, et mourut en 1678, à Brieul prés Verdun. On a de lui : 1° Vie de Ste Richarde, fille d’un roi d’Écosse, Nancy, 1655, in-12. Richarde, femme de l’empereur Charles le Gros, fonda l’abbaye d’Andlau, en Alsace. 2° Vie de St. Astier, solitaire dans le Périgord, dédiée aux seigneurs de la très-illustre maison de St-Astier, Nancy, 1656, in-12. Ces deux ouvrages ne sont mentionnés, ni dans la nouvelle édition de la Bibliothèque historique du P. Lelong, ni dans le catalogue des historiens qui se trouve à la suite de la Méthode pour étudier l’histoire, par Lenglet-Dufresnoy. Le mordant Chevrier dit que les ouvrages d’Aubertin ne sont pas plus connus que St. Astier et Ste. Richarde, que ce moine a voulu célébrer. (Mémoires pour servir à l’histoire du hommes illustres de Lorraine, etc., t. 2, p. 202.) Mais cette observation épigrammatique prouve à la fois la légèreté et l’ignorance du critique. L’impératrice Richarde prit beaucoup de part aux événements du règne de Charles le Gros ; et si St. Astier occupe dans l’histoire un rang plus obscur, le tableau de ses vertus pouvait l’en faire sortir.


AUBERTIN (Dominique), né à Lunéville, le 28 avril 1751, de parents obscurs, s’engagea, en 1767, dans le régiment de Beauce, infanterie, et fit en 1771, comme simple grenadier, la campagne de Corse. Il parvint, par son mérite, aux grades successifs de fourrier, sergent, sergent-major, adjudant sous-officier, adjudant-major et quartier-maître trésorier. Ainsi il était avant la révolution ce que l’on appelait un officier de fortune. La durée de ses services lui valut, en 1792, la croix de St-Louis, et l’année suivante, il servit, avec le grade de capitaine, dans l’armée de Flandre, sous les ordres de Rochambeau et de Dumouriez. Il la quitta vers le milieu de 1795, pour aller rejoindre l’armée républicaine de la Vendée, que la convention renforçait alors de nombreux détachements pris aux armées du Nord, de la Moselle et du Rhin. Aubertin guerroya dans cette contrée, en 1795 et 1794, sous les ordres du général Haxo, et il y obtint le grade de chef de bataillon, puis celui d’adjudant général. Au commencement de 1795, rappelé à l’armée de Rhin et Moselle, il y fit la campagne de cette année et celle de 1796. En 1797, les blessures qu’il avait reçues, ses infirmités, suite inévitable de trente ans d’un service laborieux et sans interruption, le déterminèrent à demander sa retraite. Il se retira dans sa ville natale, et il y mourut le 20 avril 1825. Pendant les loisirs de ce long repos, il a rédigé des Mémoires sur la guerre de la Vendée en 1793 et 1794. On y trouve, à défaut de faits importants, des particularités intéressantes et des anecdotes nouvelles ; l’auteur y corrige fréquemment les inexactitudes échappées aux historiens de cette guerre. On les a imprimés dans le 1er vol. des Mémoires du général Hugo, Paris, 1825, in-8°, 175 pages.


AUBERTIN (Edme), savant ministre de l’Église réformée de Charenton, né à Chalons-sur-Marne, en 1595, mort à Paris, en 1652, publia, en 1626 : Conformité de la croyance de l’Église et de St. Augustin sur l’Eucharistie, in-8°, qu’il reproduisit en 1635, sous cet autre titre : l’Eucharistie de l’ancienne Église, in-fol. Comme il y employait des termes injurieux contre les cardinaux Bellarmin et Duperron, et qu’il y prenait la qualité de ministre de l’Église réformée, sans y ajouter l’épithéte de prétendue, ainsi que l’exigeaient les ordonnances, il y eut un arrêt du conseil contre l’auteur et contre l’ouvrage ; mais l’affaire n’eut aucune suite. Le succès de ce livre dans la communion d’Aubertin s’engagea à le traduire en latin. Cette traduction ne parut que deux ans après sa mort, par les soins de Blondel ; Deventer, 1654,

  1. On peut apprécier la considération dont jouissait l’abbé Aubert par les fréquentes mentions qui sont faites de lui dans un ouvrage curieux, mais trop peu connu, intitulé : Dictionnaire abrégé de la France monarchique, ou la France tate qu’elle était en janvier 1789, par M. Guéroult jeune, décédé en 1816, professeur au collège de France. À l’article Abbés, Aubert est cité, avec Mably, Condillac, Raynal, Barthélemy, Delille, au nombre des plus célèbres. À l’article Concours, il est mis, avec Barthélemy ; Suard, Fourcroy, au nombre de ceux dont le suffrage honora les savants et les gens de lettres. À l’article Collège royal, il est placé, avec Lalande, Delille, Daubenton, parmi les professeurs les plus célèbres, etc. Consultez encore sur lui l’Année littéraire, les Mémoires de Palissot, les Trois Siècles littéraires, les ouvrages de Laharpe.
  2. Il écrivait, en 1786 :« Mon âge ne me permet plus ni courses nocturnes, ni lectures publiques, et je vis tellement retiré que je ne vais même depuis longtemps, à aucun spectacle. »
    V-ve.