Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 2.djvu/563

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans les Definitiones medicae (def. 220), Bacchius est également appelé hérophiléen. Apollonius de Citium, dans son commentaire sur le traité des Articulations d’Hippocrate (p. 4, édit. de Dietz), range évidemment le médecin de Tanagre dans cette secte à laquelle il se plaît à prodiguer le blâme. Du reste, nous pourrions invoquer le témoignage de Bacchius lui-même, qui, dans un passage d’un de ses écrits, passage rapporté par Galien (de Différent, pulsuum, lib. 4, cap. 11, éd. de Kuhn, p. 749), semble se placer parmi les hérophiléens. — Au temps de l’école médicale d’Alexandrie, la collection hippocratique était l’objet de nombreux commentaires et de travaux philologiques. Bacchius fut un de ceux qui s’appliquèrent avec le plus de succès à étudier cette vaste encyclopédie médicale si remplie d’obscurités et de difficultés de tout genre. Galien nous apprend (Com. 1 in Hipp. de Officina, in proem.) qu’il n’embrassa pas cette collection dans son ensemble comme le firent les empiriques Zeuxis et Héraclide de Tarente, mais qu’il s’attacha particulièrement aux traités les plus difficiles. Parmi ces commentaires, le même Galien nomme celui sur le traité de l’Officine du médecin, celui sur les Aphorismes (Com. 7 in Aph., no 70), enfin celui sur le 6o  livre des Epidémies[1] (Com. 1 in Epid., lib. 6, in proem.). Bacchius avait donné une édition recherchée du 3e livre des Epidémies et peut-être de plusieurs autres livres hippocratiques (voy. Gal., Com. 2, in Epid., lib. 3, texte 5). Outre ces travaux philologiques, il avait aussi composé un lexique des mots contenus dans les ouvrages d’Hippocrate. Erotien (Gloss., p. 8) nous apprend que cet ouvrage était divisé en 3 livres, qu’il était intitulé des Dictions, et que l’auteur s’était souvent servi du témoignage des poètes pour le rédiger : il le cite avec une grande déférence en plus de vingt endroits de son Glossaire. On trouve aussi dans les manuscrits quelques-unes de ces explications. M. Littré en a rapporté une d’après le manuscrit 2234. Nous en avons retrouvé nous-mêmes une autre dans ce même manuscrit, relative au 1er livre des Prorrhétiques. Galien qui, dans la préface de son Glossaire (p. 404 et 408, éd. de Franz), fait allusion au traité des Dictions, nous apprend qu’à l’exemple d’Hérophile, Bacchius ne s’était occupé que des mots obscurs, et qu’il en avait omis un certain nombre, surtout pour les livres apocryphes. On prétendait, ajoute-t-il, que le grammairien Aristarque lui avait fourni beaucoup d’exemples. M. Littré a parfaitement démontré (Œuv. d’Hipp., t. 1er, p. 87) que cette opinion était absolument dénuée de preuves. Epiceleuste le Crétois, et après lui Apollonius le Serpent, firent un abrégé du livre des Dictions, et le mirent en ordre. L’ouvrage original a été attaqué par Philinus de Cos, dans un écrit en 6 livres, et plus tard par Héraclide de Tarente, dans un écrit en 3 livres. Dioscoride Phocas, dans un ouvrage en 7 livres, combattit à son tour Bacchius, ses abréviateurs, et ceux qui, avant le médecin de Tanagre, s’étaient occupés de travaux philologiques sur Hippocrate {voy. Erotien, p. 8 et 10). Enfin Apollonius de Citium {loc. cit., p. 4 et 10) censure avec rigueur quelques-unes des explications contenues dans le livre des Dictions. Comme on le voit, les jugements sont très-divers sur cet ouvrage. D’un côté, Erotien qui l’approuve presque toujours, Galien qui paraît en faire cas ; et d’un autre, Philinus, Héraclide et Apollonius qui l’attaquent avec force ; ainsi, à toutes les époques, l’histoire de la science nous présente le triste spectacle de discussions partiales et haineuses, de véritables discordes, que l’esprit de secte et de parti entretient sans cesse parmi les hommes que l’intérêt de la vérité devrait toujours réunir. Quant à nous, qui avons étudié toutes les explications de Bacchius conservées dans les manuscrits ou rapportées par Erotien, nous sommes pleinement de l’avis de ce dernier. Galien cite encore deux autres ouvrages de Bacchius, un Epitome du pouls, dont il rapporte un passage[2] (voy. de Differ. puls., lib. 4, cap. 10), et un recueil de leçons particulières dont il y avait probablement deux séries (ibid., cap. 6 et 10). On trouve aussi dans un ouvrage de Galien : de Compos. medicam. per genera (lib. 7, 1.13, p. 087, éd. de Kühn), la formule d’un médicament inventé par Bacchius, et dont César Auguste se servait comme d’un remède souverain contre la sciatique. Haller (Biblioth. med., t. 1er, p. 128) avance, mais sans en fournir la preuve, que Bacchius avait écrit un ouvrage sur Hérophile et sur sa secte. On voit seulement, par le passage de l’Epitome du pouls, qu’il s’était beaucoup occupé des définitions des hérophiléens. Enfin Coelius Aurelianus (Morb. chron. lib. 2, cap. 10, p. 300, éd. d’Almel.) rapporte la division que Bacchius admettait pour les hémorragies. Avec Erasistrate, il reconnaissait des hémorragies par rupture, par putréfaction (corrosion des vaisseaux) ; par oscillation ou anastomose (c’est-à-dire par l’extrémité des vaisseaux), et il ajoutait celles par expression ou exsudation (exhalation) : pour établir cette dernière espèce, il invoquait l’exemple des gencives, d’où il s’échappe du sang sans aucune solution de continuité, et celui des appareils de fractures, qu’on retire souvent tachés de sang sans qu’il existe cependant de blessure. I-a science moderne a confirmé l’opinion de Bacchius. — Il y a encore plusieurs autres BACCHIUS, dont on peut voir la liste dans Fabricius (Biblioth. graec, éd. de Harless, t. 3,

  1. Palladius, qui vivait dans le 7e ou le 8e siècle après J.-C., a aussi écrit un commentaire sur le 6e livre des Épidémies ; il parle d’un grand nombre de commentateurs ; mais nous n’y avons pas trouvé le nom de Bacchius ; son commentaire était-il déjà perdu, ou Palladius y fait-il allusion sans le nommer ? C’est ce qu’il serait difficile de décider.
  2. Bacchius définissait le pouls un mouvement de diastole et de systole qui s’opère en même temps dans toutes les artères. Ailleurs il dit : le pouls est la diastole des artères ou de la partie artérieuse du cœur. Ailleurs encore : le pouls et toute affection du pouls se passe dans les artères et dans le cœur. Les partisans d’Erasistrate combattirent celle définition avec acharnement, mais Galien les désapprouve formellement, et il proclame que la vérité est du côté de Bacchius. Il ajoute que c’est seulement dans le cas de maladie que les artères cessent de battre en même temps (voy. de Differ. pulsuum, lib. 4, cap. 6 et 10). Les modernes ne sont pas encore bien fixés sur ce point. (Voy. Burdach. Physiol., trad. franc., t. 6, p. 254-256.)