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de cet artiste sont peu étudiés, et l’on y remarque trop l’imitation de Michel-Ange.

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BACCIO DELLA PORTA, plus connu sous le nom de Fra Bartolomeo Di San-marco, Ou du Frate, né en 1469, à Savignano, près de Prato en Toscane, vint fort jeune à Florence, chez des parents qui demeuraient à la porte St-Pierre Gattolino, d’où lui vient le nom de Baccio della Porta. Il étudia d’abord dans l’atelier de Cosimo Rosselli ; en peu de temps, il y fit de grands progrès, se lia d’amitié avec Albertinelli, son condisciple, qui avait saisi parfaitement sa manière, et avec lequel il exécuta beaucoup de petits tableaux très-terminés, pour des tabernacles et des oratoires. L’étude des ouvrages de Léonard de Vinci lui donna cette belle et grande manière, cette puissance de coloris et de relief qui distinguent ses autres ouvrages. Ce fut à cette époque qu’il entreprit la célèbre fresque du cimetière de l’hôpital de Ste-Marie Nuova, représentant le jugement dernier, et qui fut achevée par Albertinelli. Séduit par les prédications de Savonarole, il quitta tout pour le suivre, et s’enferma, avec un grand nombre de ses partisans, dans le couvent de St-Marc, lorsque ce fougueux prédicateur, qui les avait excités à la révolte, fut poursuivi par la justice ; les moines refusant de le livrer, on fit le siége du couvent. Baccio, épouvanté, fit vœu d’entrer en religion s’il échappait à un si grand danger, et Savonarole ayant été enlevé de vive force et mis à mort, le peintre scrupuleux prit, en 1500, l’habit de St-Dominique, dans le même couvent, et se fit appeler fra Bartolomeo. Cet événement avait tellement ébranlé son imagination, qu’il resta quatre ans sans vouloir toucher ses pinceaux, et ne les reprit même, à la prière des religieux, que pour les consacrer à des objets de dévotion. Dès lors, et pendant treize ou quatorze ans qu’il vécut encore, il fit des progrès si rapides, que ses derniers tableaux ont été attribués à Raphaël. Ce prince de la peinture était venu, en 1504, à Florence ; il contribua en effet, par son exemple et ses conseils, au succès du Frate ; ils firent même un noble échange de leurs connaissances ; celui-ci apprit la perspective de son jeune ami et lui donna des leçons de coloris. Quelques années après, Fra Bartolomeo, attiré à Rome par la renommée de Michel-Ange et de Raphaël, rendit justice aux talents de ses rivaux, et eut la modestie bien rare de reconnaître l’infériorité des siens. De retour à Florence, il exécuta plusieurs tableaux d’église, et, pour répondre à ses détracteurs, qui prétendaient qu’il ne savait pas faire la figure en grand, il exécuta son St. Marc, dont le caractère est tellement grandiose, indépendamment de sa proportion colossale, qu’on l’a comparé, pour le style, à un ouvrage antique grec. Le musée du Louvre possède cet étonnant tableau. Ses envieux le défièrent encore de faire une figure nue, et, contre leur attente, ils mirent le sceau à sa réputation, en lui faisant produire son St. Sébastien, dont le dessin, le coloris et la vérité étaient si parfaits, que cette figure, placée dans l’église de St-Marc, devenant l’objet spécial de l’admiration des femmes, tant de ferveur alarma les religieux, qui enlevèrent ce tableau et l’envoyèrent en France à François Ier. On peut appeler Fra Bartolomeo le précurseur de Raphaël, et il serait peut-être devenu son émule, s’il eût eu les mêmes occasions de faire valoir ses talents. Son style a de la sévérité et de l’élévation ; il est néanmoins très-gracieux dans ses figures jeunes. Son coloris a beaucoup de force et d’éclat ; il approche de celui du Titien et du Giorgion, et, pour l’empâtement et le fondu (sfumatezza), il le cède à peine aux meilleurs coloristes lombards. Il est surtout le créateur de la belle manière de draper, et les artistes lui doivent une éternelle reconnaissance pour leur avoir montré l’usage du mannequin à ressorts. Aussi personne, avant lui, ne sut jeter les draperies avec autant de vérité, mieux accuser le nu sans sécheresse, et donner aux plis autant de souplesse et d’abandon. Baccio aimait aussi beaucoup la musique. Aussi laborieux que désintéressé, il abandonnait le fruit de ses travaux à son couvent. Il mourut en 1517, à 48 ans, et son dernier tableau, qui n’était qu’une ébauche en grisaille, est un exemple de sa manière d’opérer et un chef-d’œuvre de l’art. On peut le comparer à ces modèles de terre dans lesquels, selon Winckelmann, on reconnaît l’empreinte du génie des grands sculpteurs, mieux qu’on ne peut le faire lorsque le marbre est terminé. Fra Bartolomeo eut pour élèves Cecchino del Frate, Benedetto Cianifanini, Gabriel Rustici, et Fra Paolo de Pistoie. Ce dernier hérita de ses dessins.

C-n.

BACELLAR (Antoine Barbosa), célèbre jurisconsulte, historien et poëte portugais, né à Lisbonne, en 1610. Les poésies qu’il publia en 1635, lorsqu’il ne comptait pas encore vingt-cinq ans, lui firent une très-grande réputation parmi ses compatriotes, et l’on voit, par les ouvrages de ses contemporains, qu’ils s’attendaient à avoir en lui un poëte du premier ordre. Peut-être aurait-il satisfait leur attente, si la révolution de Portugal n’eût éclaté cinq ans après. Contre l’ordinaire des jeunes gens qui décèlent un génie poétique, il s’était adonné avec ardeur à l’étude de la jurisprudence ; et immédiatement après la révolution, en 1641, il publia une très-bonne défense du droit de la maison de Bragance au trône de Portugal. Ces sortes d’allégations de droit jouaient un grand rôle dans la diplomatie du 17e siècle. Son livre plut à la cour, et lui ouvrit la carrière des dignités et de la fortune. Dès lors les espérances qu’il avait données pour la poésie s’évanouirent. Il publia seulement deux ouvrages historiques, qui ne manquent pas de mérite : l’un sur la guerre du Brésil et l’expulsion des Hollandais de ce continent ; l’autre sur la belle campagne du marquis de Marialva, contre les Espagnols, en 1639. Le premier de ces ouvrages a été traduit en italien, par un anonyme ; le second, en bon latin, par Alexis Collotes de Jantillet. Bacellar mourut à Lisbonne, en 1663, à l’âge de 55 ans, généralement regretté. Il a laissé des ouvrages manuscrits d’histoire et de jurisprudence, imparfaits, qui font voir que, si sa vie ne se fût pas terminée sitôt, il aurait laissé une bien plus grande réputation. C’est ce qui