équation intellectuelle. Il faut se garder toutefois de conclure de ces observations que les théories de Kant ont en définitive été rejetées par l’opinion en Allemagne ; un grand nombre de leurs principes et de leurs résultats ont passé dans l’enseignement académique ; leur empreinte se retrouve partout et se reconnaît surtout dans les écrits des moralistes et des théologiens. En comparant la marche du raisonnement de M. Ancillon, lorsqu’il trace le Tableau analytique des développements du genre humain (p, 99-360, t. 2 à de ses Nouveaux mélanges, 1807), avec les principes de Bonnet et de M. David Steward, et avec la méthode des philosophes les plus distingués de l’école de Condillac, tels que MM. de Tracy, Laromiguière, etc., le lecteur français se fera une idée assez juste de l’influence que la doctrine de Kant a exercée sur les classes éclairées de la nation allemande.
S—n.
KANTELAAR (Jacques), orateur et écrivain hollandais
d’une grande réputation, est né à Amsterdam
en 1759. Il fit d’excellentes études à l’université
de Leyde, où ll fut bientôt remarqué par
le célèbre orientaliste, le professeur ll. Schultens,
qui lui inspira le goût des études philologiques, et
principalement des langues orientales. Les étonnants
progrès de ce jeune esprit d’élite ne tardèrent
pas de répondre à la sympathie particulière
du maitre. Le profond critique s’était révélé en
1781 Par un Specimen obrereatiauum eriticarum ad
quadan l’. T. loca. et c’est avec beaucoup de distinction
qu’il fut —recu candidat en théologie.
Appelé comme ministre protestant réformé, d’abord
dans une petite localité de la Nord-Hollande,
puis à Almelo en Overyssel, jeune, son àme
enthousiaste céda naturellement à l’élan du jour :
il cm brassait avec chaleur, en 1786, la cause des
patriotes » et se signala particulièrement en se
faisant l’organe de l’opposition des citoyens d’Almclo
contre les droits scigneurianx : il se mit
même à harangucr les troupes qui Fpartaient pour
soutenir la cause du parti patriote. poque funeste
de troubles civils qui amenèrent, un an après,
l’intt-rvention prussienne et le rétablissement de
l’ancien ordre de choses. Ne se croyant plus alors
en sûreté à Almelo, dégoûté des haines de parti,
liantclaar renonça à la vocation de ministre du
culte et alla s’établir à Amsterdam, où il s’adonna
entièrement à la culture des belles-lettres. Parmi
ses premiers travaux de cette époque, on compte
une bonne traduction de la Vie de Tmiclr, enrichie
de noties. Il coopéra avec distinction à une
revue nouvelle, la Bibliothèque nationale, seientyîque,
artistique et littéraire ; il remporta en 1791
le prix dans un concours ouvert par la société
littéraire de Leyde, par son Traité sur la poésie
pastorale. qui cependant ne fut publié qu’en ISIS.
Président de la société d’utilité publique, il
prononça dans une occasion solennelle, au sein
de cette société, en 1793, un beau discours Sur
l’in /(vence qu’a exercée le progrér des lumières sur
le tort du femme : et nr le bonheur domestique ; cc
discours avait tant captlvé l’auditoire que la société
littéraire de Leyde l’invita à prononcer en
son sein l’éloge de Schultens, ·son ancien maître.
Cette invitation Penthousiasma, et l’éloge du
grand orientaliste, de l’homme de bien envers
qui il avait tant d’obligations, lui valut toutes les
sympathies du monde savant ; on a dit de cette
œuvre, âuhliée à Amsterdam en 1791, qu’elle
seule su rait pour assigner à liantelaafun rang
éminent parmi les orateurs hollandais. C’est vers
la même époque qu’il s’assoria au poëte Feith, pour
travailler plus puissamment au perfectionnement
du goût de la nation, qui assistait depuis 1780 à
l’avéncment de toute une nouvelle école où brillaient
Bllderdyk et van der Palm au premier
rang : celui-là dans la poésie, celui-ci-dans la
prose. Kantelaar et Feith soutenaient ce grand
élan que les secousses politiques du pays ne pouvaient
pas même ralentir, dans leurs Considérations
ur le : belle : lettre :. dont trois volumes ont
paru (1793-96). Kantelaar ne montrait pas ici
seulement la profondeur du critique et la verve
de l’orateur, mais encore il traduisait les tressail-Iements
du poëte. Son Élégie sur la mort d’un enfant.
des vers adressés à Nieuwland, le géomètre
et poëte qui fut enlevé prématurément aux sciences,
une Ode et Srhimmelpenninck. prouvaient tout
ee qu’il y avait de sentiment et d’é|évation dans
l’ame généreuse de liantelaar. Toutefois la politique
vint encore l’arracher à sa carrière exclusivement
littéraire. La révolution de H’95 le comptait
parmi ses adhérents modérés : élu député pour
la province d’Uveryssel à la première assemblée
nationale qui se réunit à la Haye, en 1796, Kantelaar
ne tarda pas à se distinguer parmi les plus
brillants orateurs qui fulgurassent au sein de l’assemblée.
On était surpris d’entendre l’ancien
ministre du culte, le littérateur, traiter des affaires
politiques et administratives avec la supériorité
d’un homme d’État consommé et une élégance
attrayante. La modération de ses opinions libérales
lui valut l’honneur, après le 22 janvier 17%,
époque d’un revirement dans le sens avancé,
d’être incarcéré avec ceux de ses collègues dont il
partageait les opinions. fleuré use ment cette détention
ne dura que jusqu’au 12 juin suivant,
alors que le parti des modérés triompha définitivement.
Kantclaar, rendu à la liberté, reçut les
offres les plus séduisantes pour entrer dans le gouvernement ;
il s’y refusa net et préféra établir un
bureau d’agence de banque à la Haye. Après
avoir exercé cet état avec le meilleur succès, pendant
douze ans, il se retira des affaires pour cause
de santé. Un esprit d’élite comme le sien ne pouvait
oublier, même au milieu des affaires, le
charme des belles-lettres. Kantelaar reprit, pour
quelques années (1811-16), avec le concours du
professeur Siegenbeek, la publication d’un recueil
littéraire, sous le titre d’EuJ¢rpe. où l’on
remarque de sa plume des données très-intéres